Enfant, Mateo désirait être catcheur mais son père ne voulait pas : le fiston devait marcher dans ses pas et devenir encaisseur de créanciers en tout genre. Aujourd'hui, il mène une double vie. El Perceptor le jour, une sorte de justicier masqué très professionnel et violent, il troque le soir son masque pour celui de Tiger, un fabuleux catcheur invincible, coqueluche des amateurs de combats illégaux. Et cette fois un match capital l'attend. Un match hors norme...
Tout dans ce premier album de FLAB est décalé. Le héros, El Perceptor, bras armé de l'EZLN — le front de libération zapatiste — nous apparaît au bout du compte comme un super-héros paumé, amoureux malheureux englué dans des histoires de famille macabres et lourdes de vengeances inassouvies. Au fil des pages, le lecteur suit pas à pas ses intenses réflexions, tandis que le scénario, construit sur un faux rythme, alterne la violence des combats et le fond plutôt lent — à l'image de Mateo, bourru et pataud en dehors de ses missions. Le dessin anguleux aux perspectives étranges, parfois caricatural, rappelle ceux de certains comics et évoque notamment le style de Mignola. Les couleurs tranchées et irréelles -aplats tantôt vert, tantôt ocre, tantôt rose — varient par périodes sans raisons apparentes, accentuant l'impression de décalage.
Le tout aboutit à un album délirant et imaginatif, difficile à classer. Certains lecteurs le poseront avec dédain dès la première planche, d'autres seront accrochés par ce style très particulier, bref chacun devra se forger son opinion. En tout cas, qu'on aime ou pas, on peut difficilement rester indifférent à ce mélange étrange et atypique dont on se demande comment il tient debout, mais qui fonctionne finalement plutôt bien.
Fabrice Fauconnier nooSFere 01/03/2004
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