De l'Heroïc-Comédie qui fait rire !

     Toujours à la recherche des ingrédients nécessaires à la recette de la « Tourte Sacrée », Aliéna, Gossuin et Ulrak ne sont pas au bout de leurs surprises ! Echappés miraculeusement des arènes du terrible empereur lézard Rex Luxor, parachutés dans les griffes acérées du ragondin des montagnes Barba Khan, catapultés dans les dunes arides du Krador, il semble que le destin de nos héros ne soit pas de se dorer la pilule sur les longues plages de Mendès, la cité des orcs pharaons. Loin de là, ils vont devoir affronter bien des dangers pour sauver le Relais & Mago de la fermeture définitive et déjouer les intrigues péplumesques visant à les réduire en bouillie de héros. Pas de doute, « Les dents d'Homer » est un album qui a du mordant !

     Selon le célèbre chroniqueur Crétin de Troy — toute allusion à qui vous savez est pleinement assumée — «  le Relais & Mago est une auberge mystique dont les fondations reposent sur un emplacement défini par des critères ésotériques incompréhensibles. » Sommé par le roi de lui préparer une tourte sacrée, le mage-cuisinier Stronzo a dépêché son attraction vedette, la belle Aliéna, ainsi qu'un apprenti peu dégourdi nommé Gossuin, à la recherche de certains ingrédients particulièrement difficiles à trouver comme une larme de crocodile — voir le premier tome, Les Aventuriers de la tourte sacrée — et une dent de pharaon...

     Genre très codifié, bourré d'archétypes et volontiers répétitif, la fantasy se prête facilement à la parodie. Si facilement que cela frise la facilité et que bon nombre de pastiches sont plus affligeants que drôles — signalons le triste roman Lords of the ringards paru chez Bragelonne. Parmi les grandes réussites du genre en BD, les différentes séries des Donjon occupent sans doute la première place. A l'opposé, la série Krän est aussi bêta que son héros, plaçant son humour exclusivement au-dessous de la ceinture avec une légèreté de pétaure obèse.

     Relais & Mago, qui se définit comme de l'heroic-comédie, est à la fois une franche parodie et une aventure qui fonctionne par elle-même, indépendamment du ton humoristique. Elle fonctionne grâce à un univers suffisamment étoffé pour être intéressant et à une intrigue enlevée qui, bien que fantaisiste, demeure plausible et recèle une certaine originalité : cuisine et sorcellerie ne sont pas exceptionnellement associée — depuis la pomme de Blanche-Neige — mais il est rare qu'une recette soit au cœur de la quête.

     L'album s'ouvre donc sur la carte de rigueur, qui décrit les contrées opalines, la partie du monde de Gooz où se situent aussi bien le Mont Ipiton que les Bois Bandés interdits aux demoiselles — exemples témoignant bien des différentes formes d'humour qu'entendent pratiquer les auteurs, du non sense à la gaudriole. Et si l'équipage de héros mal assortis ne surprend guère — l'héroïne maligne et inévitablement pulpeuse, l'apprenti nigaud évidemment tenté par les appâts de la précédente et le barbare abruti mais qui a toutefois la fabuleuse caractéristique d'être un « poulet géant-garou » — ils sont effectivement amusants, de même que bon nombre des personnages secondaires : le lézard en empereur pseudo romain (avé lézard) ou l'orc en pharaon pseudo égyptien dotent ce monde d'éléments immédiatement familiers mais astucieusement décalés.

     Le dessin clair, particulièrement lisible et dynamique, de Fagnère destine a priori l'album aux jeunes lecteurs. Néanmoins, comme souvent dans les bandes dessinées humoristiques, les nombreuses références permettent d'en rire ou d'en sourire à tous les âges. Gageons par exemple que l'allusion à double détente du Crétin de Troy sus-cité ne sera entièrement comprise par les plus jeunes que lorsqu'ils étudieront la littérature moyenâgeuse. Dans le dessin comme dans les dialogues et les commentaires, les clins d'œil sont aussi nombreux : si les deux personnages principaux peuvent peut-être évoquer le rouquin Lanfeust et la brune Cixi, on voit également passer Indiana Jones, une caricature de Joey Star en vampire et diverses autres célébrités. On y voit même quelques têtes inconnues... qui appartiennent aux trois lecteurs ayant gagné le droit d'être « immortalisés » grâce à un concours organisé sur Internet à l'occasion de la sortie du premier album.

     L'interactivité ne s'arrête d'ailleurs pas là. Grâce au Nain Ternet ( !), le Relais & Mago dispose d'un sympathique site qui mérite une visite à l'adresse www.relaismago.com Dans l'album sont d'ailleurs disséminés plusieurs boucliers munis d'un point d'exclamation qui renvoient à une partie de ce site web. C'est dire si l'enthousiasme des auteurs est grand et s'ils cherchent à le faire partager.

     Et ils y réussissent ! Leur bonne humeur est manifestement communicative. Leur série qui n'a d'autre prétention que de distraire et d'amuser atteint sans difficulté son objectif. On ne peut que les encourager à poursuivre dans cette voie !