Une femme tente de se noyer mais elle est sauvée in extremis par son mari qui lui fait aussitôt un enfant. De cette union désespérée naît une étrange petite fille qu'ils appellent Mélusine. Sa beauté et sa maturité fascinent, mais autour d'elle les accidents se multiplient. Devenue orpheline, elle est placée dans des familles d'accueil où la mort ne tarde pas à frapper...
Le lecteur aura compris que cet enfant maléfique n'est autre qu'une nouvelle incarnation de la femme-serpent. L'intrigue nous est présentée sous forme de témoignages successifs qui révèlent progressivement la nature inhumaine de la créature, ses étranges pouvoirs et surtout sa totale absence de morale. Chaque témoignage est séparée du suivant par une planche de style moyenâgeux qui évoque divers aspects du mythe de la femme-serpent. C'est une façon assez originale de nous présenter cette Mélusine moderne, égarée à la DASS. Néanmoins, le récit demeure très lacunaire, ce qu'on peut prendre comme une qualité mais qui peut laisser le lecteur sur sa faim — il s'agit d'un one-shot. Mélusine ne nous est présentée que de façon extérieure et fragmentée, par des témoins qui n'ont qu'entrevu une partie de sa nature démoniaque. On aimerait mieux appréhender son vécu personnel, ses motivations, les raisons de sa haine. Au lieu de cela, Mélusine demeure fuyante et garde son mystère. C'est frustrant mais sans doute est-ce plus conforme à sa nature reptilienne...
Le dessin de Wachs est lui aussi assez particulier. Les visages anguleux voire grimaçants des personnages peuvent gêner dans une histoire plutôt intimiste et il est notamment difficile d'admettre la « beauté qui blesse à force d'acuité » de Mélusine lorsque le lecteur voit surtout un visage coupé au couteau, au menton pointu, aux yeux menaçants. Son corps pré-pubère ne devrait guère émouvoir qu'un pédophile, alors qu'il semble exercer un trouble attrait sexuel aussi bien sur les hommes que sur certaines femmes. Cette dureté anguleuse du trait est accentuée par des couleurs directes contrastées, qui marquent encore un peu plus chaque ride, qui creusent les joues et qui baignent les décors d'une lumière ocre-rosée ou verdâtre pas toujours très plaisante.
Sous la peau, le serpent est donc un album qui s'adresse en priorité à ceux qui s'intéressent à la légende de Mélusine et qui apprécient les récits lacunaires. Il leur faudra feuilleter l'album pour voir s'ils apprécient aussi les choix graphiques très personnels faits par le dessinateur.
Pascal Patoz nooSFere 01/03/2004
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