La Maison Winchester est une incroyable bâtisse de quelque 160 pièces, où certains escaliers débouchent sur un plafond, où certaines portes s'ouvrent sur des murs, où une fenêtre est installée dans un plancher... « C'est en 1884 que Sarah Winchester commence la construction de cette maison, une construction ininterrompue 24 heures sur 24, pendant 36 ans, jusqu'à sa mort en 1920 » nous apprend le guide qui fait désormais visiter l'édifice aux touristes de passage à San Francisco — un guide qui s'égare parfois un peu puisque six pages plus loin il affirme que la mort de Sarah est survenue le 4 septembre 1922... Adepte du spiritisme, Sarah est entrée en contact avec les esprits des hommes tués par une Winchester, cette arme dont la fabrication fut débutée par son beau-père puis poursuivie par son mari. Ce sont ces esprits eux-mêmes qui lui communiquent tous les soirs les plans de nouvelles pièces à ajouter à sa maison. Sa survie dépend de la poursuite des travaux où elle engloutit sa fortune. De nos jours, une touriste prénommée Pascale visite la maison. Elle est assaillie de visions, tandis qu'un meurtre mystérieux est commis dans l'une des 160 pièces. Un indien chasseur de fantômes la contacte alors, car il a besoin d'elle pour chasser un esprit maléfique...
Le récit alterne des parties qui se déroulent vers 1920, sans doute peu de temps avant le décès de Sarah Winchester, et des parties contemporaines. Les transitions se font insensiblement, comme si les deux époques se répondaient et s'interpénétraient sans barrière nette. A lui seul, ce procédé narratif génère déjà un délicieux malaise et une ambiance fantastique que vient bientôt renforcer la découverte d'un cadavre, les hallucinations de Pascale et les sombres imprécations d'un esprit indien manifestement menaçant. L'histoire est originale et la maison en est réellement le personnage principal. Si l'on devait avoir un regret, c'est de ne pas s'y perdre davantage. L'album est conçu comme un one shot, mais il y a manifestement de la matière pour d'autres récits, où l'on pourrait s'égarer dans ce fabuleux labyrinthe.
Au dessin, nous avons le plaisir de retrouver Max Cabanes. La finesse de son trait fait ici merveille, et l'on souhaiterait pouvoir disposer d'une version noir et blanc de l'album pour mieux goûter la subtilité du crayonné. Mais les couleurs sont elles aussi très réussies, avec un contraste entre une ambiance monochrome, souvent grisée ou ocre-orangée au début, et des pointes de couleurs vives qui mettent en relief un vêtement ou un objet. Des couleurs évolueront au fil de l'album, à mesure que le démon se déchaîne, tandis que le dessin se tord et se voile.
Bref, tant sur le plan du scénario que du dessin, La Maison Winchester est un album splendide, un one shot original qui doit figurer en bonne place dans la bibliothèque de tout amateur de fantastique.
Pascal Patoz nooSFere 01/03/2004
La maison Winchester, connue pour l'extravagance de son architecture, serait hantée par les esprits des morts, notamment ceux des indiens tués par les carabines Winchester. Alors qu'elle suit une visite guidée, une touriste a d'étranges visions, un vieil indien s'intéresse à elle... et on retrouve un cadavre dans une des pièces... Un décor original (la maison Winchester existe réellement, comme le savent bien les lecteurs du Yellow Submarine consacré à San Francisco — le Bélial'), un one-shot (donc pas de digression inutile), une belle ambiance grâce au dessin de Cabanes... mais de l'ésotérisme à deux balles et un scénario plus que léger qui manque d'idées. Dommage. (note : Bof, yapôtrocool)
Philippe Heurtel Bifrost n°34 01/04/2004 Mise en ligne le 15/09/2005
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