Perdu en pleine mer, Giuseppe Bergman est recueilli par un bateau qui fait route vers Ithaque, en suivant le même itinéraire que l'Odyssée. A son bord se trouve un excentrique qui se prend pour le nouvel Ulysse, en compagnie d'un Hermaphrodite et d'un skipper anonyme. A peine embarqué, Giuseppe est assailli par des visions qui lui viennent tout droit de l'antiquité homérique...
La saga de Giuseppe Bergman est l'œuvre la plus ambitieuse de Milo Manara. Le personnage principal, double de l'auteur et sosie d'Alain Delon, est à la recherche de l'Aventure avec un grand A, de cette Aventure qui n'a plus sa place dans le monde moderne. Entre réalité et onirisme, ses tribulations le mènent d'étranges rencontres en rendez-vous absurdes, qui forment pourtant une parabole riche de sens. Ce neuvième tome n'est en fait que la cinquième aventure de Bergman, après HP et Giuseppe Bergman, Jour de colère, Rêver peut-être et Revoir les étoiles. Cette nouvelle numérotation correspond au redécoupage des trois premiers volumes, à l'occasion du passage de la série de chez Casterman aux Humanoïdes associés — les huit premiers volumes demeurant pour l'instant « à paraître ».
Cette relecture moderne de l'Odyssée — après l'ambitieux Ulysse de James Joyce en littérature ou le O'Brother des frères Coen au cinéma — fournit le prétexte à un commentaire écologique et moral sur le monde contemporain, que Manara conclue ironiquement en écrivant « je sais aussi que ces discours sont inutiles, moralistes et ennuyeux. » Malgré le discours écologique final, les périples de Bergman nous donnent finalement à penser que les seules choses qui puissent combler la vacuité de sens de l'univers sont l'humour et l'érotisme — ce dernier étant toutefois un peu plus discret dans cet album que dans les précédents. Cette nouvelle Odyssée laisse cependant une impression d'inachèvement, notamment parce qu'on abandonne trop rapidement un certain nombre de personnages, parce qu'on ignore les conséquences de la perte du casque d'Ulysse et pour diverses raisons de cet ordre. Peut-être s'agit-il aussi d'une histoire découpée en deux ou trois volumes, mais rien ne dit qu'une suite est attendue.
Evidemment, le dessin bien connu et si caractéristique de Manara est un indéniable atout, auquel s'ajoute un intéressant travail sur l'imagerie grecque antique. Bref, malgré cette sensation d'incomplétude dû à la brièveté de l'album, voilà du grand Manara.
Pascal Patoz nooSFere 20/04/2004
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