Julius rêve qu'il rêve, ce qui fait un rêve au carré. Or un rêve de rêve peut se transformer en réalité relative. Parce qu'il a rêvé de perspective et de la perte d'un point de fuite, Julius a ainsi créé une réalité relative où la platitude règne, avec toutefois une légère épaisseur résiduelle : « une espèce spéciale d'espace... entre la deuxième et la troisième dimension... la dimension 2,333..., pour être précis. » Julius doit alors se rendre dans l'inframonde, « cette zone étrange, inconnue, au-delà du rêve et de la réalité », pour y retrouver un point de fuite en état de marche...
A travers les aventures oniriques de Julius Corentin Artefacques, Marc-Antoine Mathieu joue avec les codes graphiques pour en repousser les limites. Quatre albums que l'on peut qualifier d' « expérimentaux » ou de « conceptuels » sont ainsi parus entre 1990 et 1995, et il a fallu attendre 9 ans pour voir enfin paraître ce cinquième tome. Précisons que chacun de ces cinq albums peut être lu tout à fait indépendamment. Les surprises graphiques sont nombreuses dans ce nouvel album : l'envol d'une case, la matérialisation des lignes de fuite et de l'horizon, l'avènement de la platitude, l'exploration de brouillons crayonnés, le survol des univers de Schuiten et de Trondheim et enfin, le morceau de bravoure de l'album, un dénouement en 3D à lire avec des lunettes spéciales.
Le qualificatif de « génial » n'est pas trop fort pour qualifier cet étonnant voyage dans l'inframonde et dans les codes pulvérisés de la BD. Mathieu réussit à insérer ces expérimentations graphiques dans une vraie narration, où la logique est poussée jusqu'à l'absurde et à la poésie. Le résultat est à la fois ludique et saisissant, et l'on ne peut qu'applaudir les éditions Delcourt de donner corps aux rêveries de l'auteur en publiant ces albums qui bousculent les contraintes éditoriales habituelles.
Bref, un album que tout amateur un tant soit peu intéressé par l'image et par une réflexion sur le médium de la BD se doit de posséder.
Pascal Patoz nooSFere 10/05/2004
Parce qu'il a perdu un point de fuite en rêvant qu'il rêvait, Acquefacques a rendu son monde plat, sans la perspective qui lui donnait du volume. Plié comme un avion en papier, il est éjecté dans l'inframonde à la recherche d'un nouveau point de fuite et découvre d'autres univers, dont l'entrepôt où sont stockés les décors de BD mis au rebut... Découverte de la couleur, pages trouées permettant aux personnages d'entrevoir le passé et l'avenir, protagonistes se déplaçant sur les traits séparant les cases : dans ses précédents albums, Marc-Antoine Mathieu a mainte fois démontré son imagination. On ne vous dévoilera pas les surprises de ce nouvel album-gigogne pourvu d'un accessoire peu courant, mais cette « BD sur la BD » donne le vertige, une fois de plus. (note : Oulà ! ! yamaxibon, ça !)
Philippe Heurtel Bifrost n°35 01/07/2004 Mise en ligne le 01/09/2005
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