Kewin Mulford, sous sa forme numérique, hante les réseaux informatiques et poursuit la belle Joan Kimberly. Mégalomane, il est devenu le « Dieu K » pour un bon nombre de fans appelés des anarchos-technos. Son but est d'opérer « la grande transmutation ». Pour lui, « la Toile est le vrai monde, le seul Eden est le jardin électronique dans lequel l'homme nouveau pourra cueillir tous les fruits de la connaissance. » Un programme ambitieux, qui permettrait de « renoncer à la chair impure et faire triompher l'esprit ». Il y aurait sans doute matière à une réflexion passionnante sur l'avenir de l'intelligence numérisée. Peut-on concevoir que l'humain débarrassé de son enveloppe de chair soit encore humain ? La numérisation pourrait-elle devenir un processus évolutif conduisant vers un autre stade de conscience ? Hélas... Cette histoire est gâchée par une folie bien plus terre-à-terre, celle de Kewin qui n'arrive pas à se remettre d'avoir été plaqué par Joan... Et le voilà qui s'obstine bêtement à vouloir la tuer, comme s'il n'avait pas plus important à penser... Et voilà même qu'il commandite la mort de toutes les blondes qui ressemblent à sa chérie perdue — que naturellement personne n'a pensé teindre en brune ! Depuis cinq albums, on joue ainsi à cache-cache, on se traque sur Internet, on se poursuit sans relâche... Et comme le lecteur pourrait commencer à fatiguer, les auteurs relancent l'intrigue en brandissant cette fois le bio-terrorisme comme nouvel épouvantail, puisque c'est à la mode. Décidément, Le Cybertueur ne demeure qu'un techno-thriller grand-guignolesque à grosses ficelles, au scénario bien trop délayé par des péripéties mineures et par des clichés de téléfilm à sensations. On peine à reconnaître l'inventivité et la truculence du scénariste du Vagabond des limbes, ou la tendresse nostalgique et l'humour désabusé de celui de Martin Milan. Combien d'albums encore pour cette série que l'on peut éviter sans regret ?
Pascal Patoz nooSFere 20/07/2004
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