« — Le grand bwana arrive parmi nous. La prophétie va bientôt se réaliser ! — Quelle prophétie ? — Hé bien la prophétie, quoi ! C'est une très vieille légende qui parle d'un messager revêtu d'une tunique de feu avec une paire d'Adidas boxer noires... Il faut absolument que tu le retrouves sinon il ne pourra jamais nous montrer la vraie voie ! — La vraie voie de quoi ? — Hé bien la vraie voie, enfin ! Celle qui ouvre les portes de la perception ! —&9;Ha... Ah oui d'accooord... Et il se passe quoi, une fois que les portes de la perception sont ouvertes ? — Mais on s'en fout, c'est juste une image ! Ca veut simplement dire qu'avec le grand bwana tout sera comme maintenant, mais en mieux ! — Epatant ! »
Supermurgeman habite sur une petite île dotée d'un village africain, du bureau d'un sheriff, du building de la multinationale SOFROCO-GEDEC, d'un fast-food, d'une Montagne du Destin pourvue d'une manette à faire des tremblements de terre et de divers autres trucs tout aussi improbables. Supermurgeman se la coule douce jusqu'au jour où débarque Alexandre Legrand, un jeune freluquet qui souhaite devenir maître du monde, c'est-à-dire de l'île.
Supermurgeman... Avec un tel titre et une telle couverture — où l'on voit le héros aux prises avec un gros tas de m... euh, avec l'homme-chocolat — le lecteur est en droit de craindre une parodie débile et vulgaire. Heureuse surprise, cette caricature des débuts du comics — avec le dessin naïf d'un imposant blondinet, vêtu d'un masque parfaitement inutile et d'un slip capable de contenir de multiples accessoires — est bien plus fine qu'on pourrait l'imaginer. Certes la débilité est au rendez-vous, mais elle est assumée et même l'un des moteurs de l'intrigue, car Supermurgeman est un super-crétin. Quant à la grossièreté — vaisseau spatial en forme de Tampax, super-pouvoir consistant à boire de la bière puis à vomir sur ses adversaires — elle est finalement assez discrète et en aucun cas gênante, puisqu'elle n'est pas racoleuse et que l'effet comique ne repose pas entièrement sur elle...
Cet album permet ainsi à Mathieu Sapin de reprendre un personnage qu'il a créé et développé dans des fanzines — notamment Psikopat — et de se livrer à une virulente charge contre l'économie de marché et la télé-réalité. « La Loi de la jungle » est en effet le titre d'une émission où un paquet de jolies filles sont lâchées dans la jungle pour y être séduites par un petit informaticien bedonnant... « Bien sûr, présenté comme ça, au début, on ne voir pas bien l'intérêt d'une telle émission, mais quand on commence à la regarder on ne peut plus s'en passer » commente le présentateur.
Au final, l'album est réellement drôle, décalé, inventif et malin... donc tout à fait à sa place dans l'excellente collection Poisson-Pilote.
Pascal Patoz nooSFere 01/10/2004
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