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Album
Le Testament de Cromwell Stone
Série : Cromwell Stone    Album précédent tome 3 

Scénario : ANDREAS
Dessins : ANDREAS

Delcourt , coll. Conquistador, septembre 2004
 
Cartonné
48  pages  N&b
ISBN 2-84789-101-3
 
Quatrième de couverture
     « Mais, dit-il, tu ne peux pas voir ma face, car l'homme ne peut me voir et vivre. »
Exode, XXXIII-20
 
Critiques
     Un événement !
     En 1994 paraissait Le Retour de Cromwell Stone, un album époustouflant tant sur le plan du scénario que du graphisme. Même si le récit pouvait se passer d'une suite, l'épilogue montrait Stone mourant en train de confier une boîte à Marlène Parthington, avec pour mission de l'emmener en Ecosse.
     Et voilà qu'en 2004, dix ans plus tard, paraît ce Testament, récit du voyage initiatique de Marlène en Ecosse et révélation du rôle de la mystérieuse boîte

     On se souvient que les deux précédents épisodes tournent autour de l'existence d'une entité cosmique, une sorte de Grand Ancien créateur, échoué par hasard sur la Terre et pour qui des créatures secondaires oeuvrent afin qu'il puisse reprendre son périple interstellaire. Il s'agit donc d'un récit dont l'esthétique relève du fantastique mais dont la thématique appartient en réalité à la science-fiction — tout comme Le Horla de Maupassant et l'œuvre de Lovecraft se rattachent finalement à la SF. L'entité en question est une formidable créature extraterrestre, inaccessible à l'entendement humain, mais elle n'est pas un véritable dieu : elle est indifférente à sa création, qui semble fortuite et non le fruit d'une volonté consciente.

     Mais chez Andreas, rien n'est jamais simple. Il existe toujours des zones d'ombre qui laissent place à d'autres interprétations, d'autres possibles. Le personnage de Marlène recelait une part de mystère, et c'est sur ce mystère que Le Testament de Cromwell Stone lève un coin du voile. Car Marlène est une enfant trouvée, amnésique, qui présente une troublante ressemblance avec une autre enfant elle aussi amnésique mais trouvée presque un siècle plus tôt... La quête de son identité va se confondre avec la mission que lui a confié Cromwell Stone et au bout du compte, l'illumination viendra, et avec elle le pouvoir absolu, le savoir absolu, la conscience absolue... de courte durée...
     Ce troisième album est donc en fin de compte beaucoup plus mystique que les deux précédents, même s'il s'inscrit dans la continuité du récit. Il met en scène une boucle éternelle, qui remonte sans doute aux origines de l'homme et dans laquelle on peut deviner des symboles religieux chrétiens.

     De même, le graphisme est différent. Le noir et blanc est toujours très spectaculaire, mais sans doute un peu moins que dans les deux précédents albums. On retrouve bien sûr ce qui fait la force du dessin d'Andreas : les mises en page inventives, les cadrages extrêmes, les répétitions d'images successives, les jeux avec des motifs géométriques... Et même s'il n'y a pas de planche aussi stupéfiante que, par exemple, celle du miroir fracassé du Retour de Cromwell Stone, on ne peut qu'admirer la façon dont un arbre couverts de hiboux va se transformer en un motif de tapisserie (planche 3) ou le magnifique paysage des planches 32 et 33. Cependant, ce sont d'autres séquences qui font la spécificité de l'album, des planches plus oniriques où l'encrage profond devient crayonné en nuances de gris, où un avion devient dragon, où des « théophènes » traversent le ciel... Globalement, on note une plus grande retenue, comme pour souligner le caractère intime de la quête intérieure, et le dessin est moins sombre, pour évoluer vers « l'illumination » finale. Comme d'habitude, Andreas expérimente, cherche, surprend... et ne semble rien laisser au hasard.

     Indiscutablement, la trilogie des Cromwell Stone fait partie des chefs-d'œuvre du 9ème art. C'est une œuvre énigmatique et difficile, comme tous les albums d'Andreas, qui est l'un des rares auteurs de bande-dessinée à posséder un univers intérieur très fort, qu'il remet sans cesse en scène à la manière de romanciers comme Faulkner ou de cinéastes comme Lynch. C'est une œuvre exigeante, qu'on peut lire et relire avec passion pour en saisir toutes les clés, sans jamais ressentir l'impression d'en avoir épuisé toutes les ressources. Bref, une œuvre déroutante et sublime, indispensable.

Pascal Patoz          
nooSFere          
01/10/2004          


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