La Confédération de Naflin rassemble une centaine de planètes qui vivent en paix sous l'autorité éclairée de l'assemblée des Smellas. Mais le seigneur de Syracusa a pour ambition d'en faire un Empire interstellaire dont il serait le seul maître. Dans ce but, il fait alliance avec l'église Kreuz, dont les membres appelés Scaythes possèdent des pouvoirs psychiques capables de tuer...
Les trois romans de Pierre Bordage à l'origine de cette série forment un space opera complexe et foisonnant qui évoque La Guerre des étoiles et qui n'a pas d'équivalent dans la SF francophone. Vouloir l'adapter en BD peut sembler déraisonnable, d'autant plus que les adaptations récentes du Tschaï de Jack Vance ou de La Compagnie des glaces de G.-J. Arnaud n'ont guère convaincu. Ce premier volume d'une série prévue pour en compter dix s'avère cependant très prometteur. Il s'agit bien sûr d'un album de mise en place, essentiellement destiné à faire découvrir les forces en présence. Le lecteur aura donc beaucoup d'informations à assimiler et de lacunes à combler pour s'y retrouver et, pour qui n'a pas lu les romans, une seconde lecture sera même indispensable. Certains trouveront peut-être pénible d'avoir à mémoriser autant de personnages, mais cet effort à fournir était déjà requis par le roman et on ne voit pas pourquoi un lecteur de BD devrait en être dispensé.
Algésiras a judicieusement choisi d'éviter une présentation trop chargée et d'insérer de lourds pavés explicatifs — en dehors des quelques petites notes qui ornent les pages de garde. Les fans du roman pourront toujours regretter l'absence de tel ou tel détail, mais on ne peut que s'incliner devant le travail accompli par la scénariste, qui a réussi à parfaitement synthétiser l'essentiel du récit et à l'exprimer avec une remarquable économie de texte, dans la narration elliptique propre à la bande dessinée. Comme l'écrit Bordage dans la préface : « Certains crieront à la trahison, certains refuseront de se voir dépouiller de leur imaginaire. A ceux-là je répondrai que rien n'est jamais figé et que c'est un honneur et une joie d'être trahi. »
Curieusement, l'ambitieuse tache d'illustrer un roman célèbre — au moins chez les amateurs de SF — est souvent confiée à un dessinateur peu expérimenté. C'est à nouveau le cas, avec Philippe Ogaki qui signe ici son premier album. Heureusement, il s'en tire bien car , si les visages demeurent un peu maladroits et peu expressifs, les décors sont très réussis et les scènes d'action très dynamiques.
Au total, ces Guerriers du silence sont fort bien partis et devraient satisfaire aussi bien les amateurs du roman que de nouveaux lecteurs. Reste à savoir s'ils tiendront la distance sur les dix albums promis.
Pascal Patoz nooSFere 11/03/2005
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