Attiré par une étoile filante, l'idiot lunaire d'un village perdu prend sa valise et se rend vers la ville dont les lumières brillent au loin. Mais en ville, le colosse à la cervelle vide est assailli de visions qui le transforment en meurtrier sanguinaire. Il ne se calme qu'en présence de l'inspecteur Mornières, un raté que ni sa famille ni ses collègues ne respectent, mais qui prend l'aspect d'une sorte d'arbre magique dans les visions de l'idiot...

     Voilà un album surprenant, pas vraiment en raison de son personnage principal — le colosse frustre et involontairement meurtrier n'est pas neuf — mais en raison de sa narration et de son ambiance. L'album comporte fort peu de texte, le récit étant surtout visuel, comme s'il s'agissait de traduire l'incapacité du « héros » à s'exprimer, son vide intellectuel, son « innocence » fondamentale. L'histoire se suit cependant sans difficultés, malgré des ellipses qui permettent au scénariste de maintenir un rythme soutenu. L'atmosphère oscille entre naïveté et folie, mélancolie et désespoir... jusqu'à une page finale qui bouleverse les perspectives et ne prendra sans doute son sens que dans l'album suivant.

     Le dessin traduit lui aussi parfaitement l'étrangeté du personnage, aussi bien dans son innocence que dans sa furie. Le découpage en petites cases étroites — même lorsque le décor se poursuit sur une seule longue image — enserre les personnages dans un cadre oppressant, au sein d'une atmosphère sombre qui recèle probablement des mystères insoupçonnés...

     Pas de doute, Racines électriques est un premier album très accrocheur. Reste à voir où il va nous mener...