Les soldats du royaume de la Croix du Sud ont tué Mailis, au cœur de la forêt, malgré la protection que les arbres ont tenté de lui apporter. Ils ont emmené Iliana, sa fille, auprès de leur Seigneur. Bien que fille de sorcière, elle est sauvée de la mort par le Capitaine, mais doit fournir un travail harassant pour soigner le bétail. Dominique, un garçon de son âge, est le souffre-douleur du fils du roi et de son bouffon. Parce que les messes, ne réussissent pas à redonner la santé au roi, le moine qui voulait la brûler ordonne au vacher de durcir encore son labeur tout en la privant de nourriture. Une silhouette intervient opportunément, tue le bourreau et pose un pain près de la paillasse de la fillette. Dix ans passent. Tous les acteurs ont grandi et Iliana est une belle jeune fille…
Un conte fantastique, à l’intrigue simpliste, magnifié par un mariage hors du commun du dessin et des couleurs. Le sujet se place au Moyen-Âge, quand l’Église Catholique veut imposer une omniprésence, asseoir sa puissance et voue au bûcher tous ceux qui veulent vivre selon leur envie ou qui tentent de s’écarter des dogmes. On parle d’intégrisme musulman, mais il faut se rappeler que l’intégrisme chrétien peut en remontrer aux plus actifs des mahométans extrémistes. Raquel Alzate, qui excelle dans les paysages de forêts et dans les intérieurs, met en scène des enfants mal nourris, aux yeux bouleversants qui mangent le visage. Elle fait passer par ces yeux, qui seuls peuvent exprimer des sentiments, des messages entre les deux enfants. C’est superbe ! La mise en couleur restitue parfaitement l’atmosphère de l’époque médiévale, époque supposée de l’intrigue, où la lumière était chiche. Un cahier de quelques pages permet de mieux mesurer ce qu’apporte la couleur au dessin, un enrichissement qui se rapproche de celui des enluminures.
De tous temps, des artistes espagnols ont fait carrière en France. Mais depuis quelques années, des éditeurs nous révèlent une richesse considérable de talents, que ce soit en BD ou en SF. Et c’est tant mieux, car ce courant d’inspiration, chargé des senteurs méditerranéennes, des odeurs enivrantes du sud, de celles de ces territoires chauffés par un soleil brûlant, est revigorant après les longues immersions dans les brumes celtes.
Raquel Alzate, un nom à retenir absolument !
Serge Perraud nooSFere 26/03/2006
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