Un homme nu, décharné, chauve, amnésique, perdu dans les couloirs d'un endroit étrange, désaffecté, dégradé. Les parois métalliques sont endommagées, une végétation bizarre y prolifère en désordre. L'homme part en exploration, tente de survivre, perd espoir et découvre enfin une étonnante fresque qui va peu à peu lui fournir les clés de son univers...
Pour un amateur de SF, l'histoire ne présentera guère de surprise. Dès la première planche, le lecteur s'imaginera être dans un vaisseau spatial, et à chaque nouvelle étape de la découverte, il ne lui sera pas difficile de deviner la suite avant mêle le protagoniste. L'intérêt de l'album réside donc ailleurs. Essentiellement dans une ambiance particulière, qui suscite un certain malaise, une certaine fascination. La fascination de l'être naissant confronté aux mystères de son univers et de ses propres origines, de l'humain qui oscille entre savoir et délire, qui prend conscience à la fois de son néant et de son pouvoir sur la matière, qui sombre peu à peu dans une folie existentielle. Cette ambiance est bien sûr en grand partie due au dessin sombre et tourmenté de Stéphane Douay, qui peint avec cruauté cet être chétif, aux orbites creuses, que viendra bientôt flétrir le temps qui passe. La première planche le montre en position foetale, la deuxième baignant dans l'eau, la troisième tombant dans un conduit obscur, se raccrochant à un cordon rose, manifestement « ombilical »... L'illustration métaphorique de sa naissance est évidente et le dessin continuera ainsi à figurer la vie d'un homme à travers ses grandes étapes.
Si l'on n'est pas sensible à cette ambiance, on pourra trouver l'album plutôt vide, d'autant plus que la fin demeure ouverte — deux tomes sont à venir mais annoncés comme des « histoires indépendantes ». Les lecteurs appréciant les scénarios bien carrés et les aventures solidement charpentées resteront sans doute sur leur faim. En revanche, d'autres apprécieront cette curieuse errance où l'on devine une allégorie à plusieurs facettes, ainsi que cette mise en abyme de la fresque qui constitue une bande dessinée dans la bande dessinée. Voilà donc le genre d'album qu'il est difficile de conseiller ou de déconseiller tant il fait appel à la sensibilité de chaque lecteur. Le chroniqueur ne peut qu'en souligner l'atmosphère originale et inviter chacun à se faire sa propre opinion en tentant le voyage.
Pascal Patoz nooSFere 01/03/2006
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