« La Ville » se situe à l'évidence aux USA et pourrait ressembler à New York. On y croise un ange qui se tranche les ailes avec une tronçonneuse, un poisson à lunettes nommé Percy qui vole dans les rues, des enfants querelleurs et des casseurs, un garçon ailé, un clochard passif, un nain qui deviendra un géant, une jeune chanteuse surdouée, un moine rongé par sa propre violence, une tête parlante dans un sac, un marionnettiste fou et tout une galerie de personnages du même acabit.
Pop Gun War est un album surréaliste, ou un exemple de ce que pourrait être le réalisme magique vu par l'Amérique du Nord. L'errance urbaine ressemble ici à une musique, liant la mélancolie du blues aux fulgurances désordonnées du free jazz. La mélodie a du rythme, même si le sens des paroles nous échappe.
Evidemment, on adhère ou pas. Si Pop Gun War est indéniablement une oeuvre hors norme et digne d'intérêt, on peut facilement rester à l'extérieur, surtout si l'on apprécie essentiellement les récits structurés et les discours porteurs de sens. Ici, on doit accepter de prendre les émotions comme elles viennent, sans chercher à cerner les contours d'une quelconque intrigue. Rien n'interdit d'y rechercher un sens — par exemple une réflexion sur l'amitié et l'aliénation comme le dit la quatrième de couverture — mais l'œuvre prête à autant d'interprétations que de lecteurs, y compris à l'absence d'interprétation.
Qu'importe, le talent de Farel Dalrymple est évident et, à condition d'aimer les oeuvres différentes et d'abandonner ses certitudes, il est agréable de se laisser prendre au jeu pour accompagner ces personnages farfelus dans leur folie cafardeuse et leur pérégrination onirique. Pour lecteurs avertis, amateurs de surréalisme et d'icônes américaines.
Pascal Patoz nooSFere 05/04/2006
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