Poppée a remplacé Agrippine auprès de Néron. Acté est mise « au placard » par la nouvelle favorite. Aussi, elle répond bien volontiers à l’invitation faite par Pétrone et Lucius Murena de venir habiter dans leur villa. Néron se passionne pour les courses de chars au point d’y participer et de porter le vert, la couleur du peuple. Le quadrige des Rouges est piloté par une femme masquée qui, au terme d’une lutte acharnée, se permet de battre le César. Après sa victoire, elle disparaît immédiatement, laissant un message : Souviens-toi de Britannicus ! Lui ne t’oublie pas ! Néron est entouré de nombre de prétendants au gâteau royal. À force de l’encenser, de lui répéter qu’il est un dieu, ils le poussent peu à peu vers la mégalomanie, car un dieu ne peut-il pas tout se permettre ? Plusieurs parcours se croisent et s’entrecroisent, les luttes pour le pouvoir s’intensifient Même les gladiateurs comme Balba et Massam y participent …à leur manière !
Avec La Déesse noire Jean Dufaux donne un coup d’accélérateur à son histoire et étoffe fortement son intrigue, complétant le passif entre Néron et Murena. Il se transforme en titulaire d’une chaire d’histoire pour nous dépeindre, avec toute la rigueur qui a toujours caractérisé ses scénarii, la progression du César vers sa paranoïa. Il décrit l’environnement d’un jeune homme entouré de flatteurs, d’habiles discoureurs qui transforment, par exemple comme le fait Pétrone de façon magistrale, une défaite en victoire. Mieux, il le convainc que c’est volontaire pour se rapprocher du peuple et montrer qu’un dieu sait se mettre au niveau de celui-ci. Dans de telles conditions, ne faut-il pas une tête solide, de sérieuses références à la réalité pour ne pas se laisser piéger ? Dans les temples du pouvoir, les individus sont coupés de ce qui fait la vie quotidienne de la population. Et l’exemple de Néron, hélas, n’est pas unique. Cette situation se renouvelle régulièrement et est toujours d’actualité, même dans notre beau pays. Dans une récente interview à BoDoï, Jean Dufaux confiait que le personnage de Murena est appelé à beaucoup évoluer et que les lecteurs seront fort surpris par la suite des événements.
Delaby nous régale toujours autant avec ses dessins magnifiques aux détails si minutieusement travaillés. Il n’hésite pas à se lancer dans des planches au cadre grandiose sur Rome, sur le cirque et ses spectacles. Cette série mériterait un format supérieur (Celui de l’Intégrale) pour une meilleure mise en valeur des dessins … et des couleurs signées de Jérémy Petiqueux qui complètent parfaitement le trait et donnent une tonalité proche de celle des grands maîtres flamands.
La Déesse noire est une réussite à tous niveaux.
Serge Perraud nooSFere 20/06/2006
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