Fred Duval n’en finit pas de développer l’univers de Carmen McCallum, l’héroïne qu’il a créée en 1995, avec Gess. Dans cette nouvelle série, il se propose de révéler une partie du passé de la belle mercenaire, passé évoqué succinctement dans les sept albums de la série mère.
En 2047, Carmen, au bras de son mari, participe à une soirée mondaine dans un prestigieux château. À minuit, elle s’éclipse discrètement pour un rendez-vous qui l’obligera à rompre définitivement avec le présent. Elle exécute un mystérieux individu qui est lié, semble-t-il, à des événements vieux de sept ans. On retrouve alors la jeune Carmen dans un commando d’irréductibles de l’IRA qui organise une action musclée alors que va se dérouler, sous très haute protection, la signature d’un accord de paix historique. (Un de plus !) L’action du commando, spectaculaire, réussit. (Mais je ne vous en dirai pas plus !) Alors que les membres du groupe organisent leur dispersion définitive, Carmen surprend la « taupe » de l’IRA dans les instances britanniques qui tient des propos sibyllins la concernant, elle et ses équipiers.
Fred Duval a eu une bonne idée de vouloir enrichir l’univers de son héroïne. En effet, il raconte une histoire passionnante, au rythme soutenu, avec des péripéties et un suspense bien maîtrisés. Le retour sur les premières années de combattante de Carmen est l’occasion de retracer, d’une façon attrayante, ce qu’a été l’histoire de l’IRA et de l’Irlande : avec les conflits qui ont débuté en 1919 et des événements qui n’ont pas encore eu la vedette des Journaux Télévisés, la reconstitution historique allant jusqu’en 2040. Mais ce cycle est aussi l’occasion, pour Fred Duval, de traiter de politique-fiction. Il revient sur les pouvoirs nouveaux des grands groupes industriels. L’auteur souhaite-t-il montrer comment Carmen, au caractère enjoué de jeune femme moderne, va devenir la mercenaire impitoyable ? Il s’offre le luxe d’un pléonasme page 31.
Mais le scénario perdrait beaucoup de sa force, de sa vigueur, sans le dessin de Didier Cassegrain. C’est un dessin dont, depuis les deux tomes de Tao Bang, on ne se lasse pas. Mais c’est un dessinateur trop rare ! Son trait est dynamique, fluide, synthétique tout en privilégiant le détail important. Si la mise en page est classique, presque sage, avec en moyenne une dizaine de vignettes par page, le contenu est narrativement performant. Il a tout pour soutenir le tempo du scénario. Les vignettes se succèdent pour un plaisir renouvelé de l’œil. Un vrai bonheur, d’autant que l’éditeur annonce quatre autres volumes.
Serge Perraud nooSFere 08/05/2006
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