« Quoi de mieux qu’un rêve pour combattre des cauchemars ? » Cette phrase sibylline résume parfaitement l’esprit de l’intrigue concoctée par Sébastien Latour pour Ellis, sa nouvelle série. Pour titre de la série, il reprend le début de Ellis Island, cette île qui fut, pendant des décennies, le portail vers le Nouveau Monde, vers l’Amérique, terre de tous les rêves des immigrants. C’est dans cette concentration de rêves qu’un certain nombre se matérialisent pour le meilleur ou pour le pire. Bien qu’éphémères, quelques concrétisations perdurent. C’est là qu’intervient le groupe Ellis, dirigé par Lady Crown. Sax, qui faisait équipe avec Nine avant sa mort, accueille Deep, le fils de ce dernier qui intègre le groupe car il a hérité du don de son père : il peut voir les éphémères. Celui-ci est missionné, avec Sax, pour traquer Roméo, le cauchemar d’un chef mafieux, qui rêve de le supplanter et régner sur son empire criminel. Celui-ci est responsable de la mort de Nine. Pour combattre ce cauchemar, le groupe Ellis a imaginé lui opposer le rêve de Nine, …Deep, un fils rêvé !
Sébastien Latour nous avait déjà surpris, il y a peu, avec Wisher, son autre série dans la même collection. Avec Ellis, il dépoussière la fantasy urbaine en se démarquant, en particulier, de Men in Black auquel il pourrait être comparé. Mais le rythme en est différent. Dès les premières pages, les révélations tombent, levant le rideau sur d’autres approches et d’autres rebondissements. De plus, Sébastien Latour nous offre un héros très fragile, qui risque de disparaître à tout moment. En effet, on peut penser qu’étant issu d’un rêve, il peut s’évanouir brusquement, soit au réveil du dormeur soit à la sortie de l’état comateux. De plus, il s’attache à lui opposer un cauchemar d’un chef mafieux, la partie sombre de ce criminel, ce qui suppose une partie lumineuse ! Il donne ainsi une histoire attrayante, pleine de suspense et de rebondissements, ou rien n’est manichéen.
Griffo, qui s’apprêtait, après en avoir terminé avec la série Vlad, à vivre une année sabbatique, a remisé ce projet à la lecture du scénario. En effet, l’aspect onirique, le décor de l’Amérique, l’idée que le rêve de quelqu’un peut devenir le cauchemar d’autres personnes est une symbolique forte qui l’a séduit. En effet, celle-ci peut s’appliquer, quasiment à notre quotidien. Pour l’occasion, Griffo a voulu développer un nouveau style graphique, allant vers un trait plus simple, avec l’usage de la couleur directe et de l’informatique. Il réussit fort bien l’amalgame et il en ressort des pages d’une grande qualité, respectant le rythme nerveux du scénario. Lady Crown est un premier volume « décoiffant » d’une série qui sera, à n’en pas douter, passionnante.
Serge Perraud nooSFere 13/12/2006
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