Gine, après un parcours de dessinateur émaillé de nombreux succès comme Neige et Finkel, avec Didier Convard, aborde gaillardement la soixantaine en revenant au scénario et en nous offrant un « One man show BD » de grande classe. Pour cette série, il confronte une adolescente à une menace qu’elle doit combattre tout en assurant une mission aux objectifs nébuleux, mais terrifiants.
Arcan’ apprend la mort de son grand-père par Melchior, un des membres du groupe dans lequel elle est intégrée. Parce qu’elle reste sur la tombe de longues heures, qu’elle est la seule à voir une lueur qu’elle qualifie de magnifique, qu’elle ne mange plus, ceux qui l’entourent pensent à la folie. Pendant ce temps, une ombre envahit le pays et détruit toute vie sur son passage, sans que personne puisse faire autre chose que fuir devant sa progression. Arcan’ apprivoise un papillon qui l’accompagne partout. À un moment elle perçoit un appel de son grand père. Pour le rejoindre, elle plonge dans le lac jusqu’à une grotte. Un étrange monstre lui demande son cœur comme droit de passage. Apparaît sa sœur jumelle, son double, qui se sacrifie. Elle rencontre la mort au seuil des enfers et son grand-père. Celui-ci lui donne les quelques informations qu’il possède, mais surtout lui demande de boire de l’eau du Styx, dont les propriétés l’aideront dans sa lutte contre l’Ombre. Car l’Ombre est après elle …et veut la détruire. Gine use d’un trait léger, subtil, d’une grande pureté. Il restitue avec justesse la gracilité, la fragilité de l’adolescence et fait de chaque vignette un enchantement graphique. Il crée des personnages qui possèdent une réelle épaisseur, une présence et dote son héroïne d’un visage lumineux éclairé par des yeux immenses. Il donne dynamisme et mouvement avec une économie de moyens remarquable.
L’auteur réalise des aquarelles où le choix et la variété des pastels habillent le canevas des traits de tons doux, délicats. Il en ressort une sensation de légèreté, de douceur, voire de suavité, sensation d’ailleurs en décalage quelque peu avec le côté dramatique du récit.
Gine, avec ce premier album de La grande Ombre, esquisse un conte philosophique dont il reste beaucoup à découvrir. Cependant, la richesse du prologue, l’organisation de l’intrigue, le choix de références et personnages mythologiques méditerranéennes et bibliques laissent appréhender une série de haut niveau, tant au point de vue scénaristique que graphique.
Un travail magnifique par un auteur au sommet de son art.
Serge Perraud nooSFere 27/07/2006
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