La famille Cazenac possède deux caractéristiques : ses membres sont espions au profit de la France depuis quatre générations, et ils possèdent un pendentif en forme de croix qui donnerait accès à un trésor immense caché au sein d’une cité perdue de Sibérie. Lorsque éclate la Grande Guerre, Henri, le fils aîné disparaît au cours d’une mission. Étienne, son jeune frère, qui ignore tout des activités occultes de la famille, abandonne le séminaire pour tenter de le retrouver. Il rejoint le front et se révèle un « trompe-la-mort ». Yakoute par sa mère, il suit Louise, « l’épouse » de son frère, en Russie, sur les traces d’Henri. Un concours de circonstances lui fait rencontrer Imélovitch qui lui révèle sa nature chamanique, à la fois sorcier et guerrier, habité par un animal protecteur, l’ours en l’occurrence pour lui. Il rentre en France avant la fin de son initiation et se retrouve intégré, sur l’avis de son frère, dans la compagnie de Francs-tireurs commandé par Fabien. Mais en Bavière, le Baron Von Straufenberg, un financier suisse qui rassemble des fonds pour soutenir la guerre menée par le Reich, continue à ourdir ses complots, après l’échec de son équipe en Russie. Il est également chaman, formé par Imélovitch, avec le loup pour animal. La lutte entre les deux chamans, entre les deux fauves, guidera leurs actes et prendra le pas sur les autres considérations.
Pierre Boisserie, pour son entrée dans le métier de scénariste, brosse en un tableau dynamique les luttes féroces qui se déroulent au-delà des combats et du bruit assourdissant des armes. La véritable arme est la finance. En effet, tout conflit ne peut perdurer sans argent. Coupez l’arrivée des fonds, quelle que soit leur provenance, et le conflit s’arrête ! Face à n’importe quel mouvement insurrectionnel, guerres ou révolutions, la question est toujours : Qui finance ? Avec La Croix de Cazenac, le scénariste raconte une histoire passionnante qui prend en compte, dans un cadre impressionnant, toutes les possibilités et variétés des relations humaines. Mais en plus du conflit mondial et du ballet des espions, il introduit une forte dimension fantastique et mystérieuse avec le chamanisme et toutes les capacités que cet état révèle.
Que dire du travail d’Éric Stalner ? Au risque de se répéter, il faut lui reconnaître une maîtrise peu commune du dessin, de la mise en page, de l’art de faire parler les vignettes pour le plus grand plaisir des yeux. Il sait rendre tout attrayant, …même l’horreur. Par exemple, ses pages sur les ruines, sur les dégâts occasionnés par les combats, sont superbes. La présentation en Intégrale, découpée par cycle de l’histoire offre une lecture différente, mieux liée, plus globale, permettant de mieux saisir tous les rouages de l’intrigue. De plus, la présente édition comprend un bonus : quelques pages qui, j’espère, feront très vite des petits, sur la rencontre entre Henri et Fabien, avant qu’ils ne soient réunis dans la présente aventure et le lien avec la série Fabien M.. Pour continuer notre bonheur, l’éditeur annonce la sortie du deuxième volet du Cycle du Tigre, le tome 8 de la fresque, pour septembre. Du plaisir en perspective !
Serge Perraud nooSFere 03/09/2006
|