Gustave Gélinet est un jeune peintre pompier et pompeux, sans imagination ni talent, méprisé par la critique... jusqu'au jour où il rencontre une belle sirène, venue de sa Bretagne natale pour visiter Paris. Lui qui ne sait peindre que ce qu'il voit fait de la sirène son modèle, sa muse et son amante, en prenant soin de bien garder secret son existence. Le Tout-Paris s'enflamme alors pour sa peinture, à l'exception d'un féroce critique qui demeure convaincu « qu'un mulet ne se transforme pas ainsi en étalon ».
Au scénario, le coloriste Hubert réussit à inventer une histoire simple mais très originale, mettant subtilement en scène le petit monde de l'Art, avec sa fièvre créatrice, ses artistes capables de crimes pour trouver l'inspiration, ses tâcherons méprisés qui deviendront méprisants une fois reconnus, ses critiques impitoyables, etc. La séduisante sirène — si l'on oublie qu'elle chante horriblement faux — constitue un « candide » idéal pour nous emmener à la découverte de ce microcosme parisien. Après ses premiers pas maladroits — dans divers appareillages pas toujours très commodes mais destinés à dissimuler sa véritable nature — et une fois passé l'enthousiasme initial viendra le temps de la désillusion et d'un nouveau départ. Le tableau brossé est habile, convaincant, parfois drôle mais également cruel. Il permet en outre une véritable réflexion, non dénuée d'ironie, sur la « valeur » de l'Art et sur la « mission » des artistes.
Le dessin faussement naïf de Zanzim se situe dans la ligne de la collection, au voisinage des Sfar, Blain ou Larcenet, mais le dessinateur s'amuse aussi à recréer l' « œuvre » de Gélinet ou à pasticher les dessins humoristiques des journaux de l'époque.
Ce « one shot » poétique et finement satirique constitue ainsi une fable pleine de charme, une nouvelle réussite de la constamment surprenante et excellente collection Poisson Pilote.
Pascal Patoz nooSFere 10/09/2006
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