Ce volume regroupe six portraits complétant ainsi le premier tome et présentant l’intégralité des histoires publiées en 1988, en noir et blanc, dans L’Almanach. Six portraits de femmes et d’hommes, de tous âges, qui évoluent dans la campagne ardennaise, soumis aux lois de la nature, usant de la magie ou en proie au diabolisme. Il est question des rapports profonds avec des croyances que l’on pense oubliées, du cycle naturel de la vie, de la chair, de la mort. Six histoires brèves éclairant un moment de l’existence d’êtres placés à un carrefour.
Rose et Nathalie relate raconte l’application de la Loi du Talion en usant des forces occultes qui obéissent toujours à ceux qui les invoquent. Éléonore fait découvrir l’histoire d’une maison maudite, d’amours interdites et la recherche de la paix de l’âme. Adrien relate l’amour d’une vie et l’ultime rencontre avec les forces naturelles. Angélique est la relation d’une ambition diabolique …ou comment les jeunes filles savent « rouler » les hommes. Toinou rejoint le thème classique de la possession et de la lutte contre les démons. Félicien permet à l’auteur de revenir, dans un superbe conte de Noël, sur les turpitudes de la chair, turpitudes qui n’épargnent personne…
Jean-Claude Servais a une prédilection pour le monde de la campagne. Il sait décrire une vie au plus près de la nature avec ce que celle-ci suscite comme sentiments, sensations, croyances et impose comme contraintes. Il magnifie les forces liées à la nature, issues des rites anciens, qui survivent servis par quelque prêtresse ou prêtre rural. Il revient sur les cycles des saisons, sur le renouveau, la renaissance de la vie qui triomphe de la mort. Il pratique le Diable sous toutes ses formes. Il raconte les amours que l’on doit taire quand tout le monde connaît tout le monde, les lourds secrets de famille. Il met en scène les besoins fondamentaux, la faim de la chair, mais aussi les peurs et les faiblesses des hommes.
Jean-Claude Servais, avec ces nouvelles d’une grande sobriété, rythme une vie rurale sous le regard des autres, joue sur les regards aigus de ses personnages, regards par lesquels passent tous les sentiments. Le graphisme de l’auteur est caractéristique. Il a su imposer un dessin puissant, empreint de classicisme, de réalisme de sensibilité et de poésie. Il rend palpable l’angoisse qui imprègne ses récits par un traitement des contrastes, du jeu des ombres.
Un bel album par un grand auteur !
Serge Perraud nooSFere 08/08/2006
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