Cette série rassemble plusieurs histoires courtes, indépendantes, toutes centrées sur des personnages — voire des animaux — qui ont en commun l'étrange faculté de passer à travers la matière. Curieusement, aucun des personnages en question n'utilise cette faculté de manière brillante, ni pour de spectaculaires vols, ni pour sauver la planète. Ce sont au contraire des individus ordinaires, dont les préoccupations se limitent en général à « comment aimer et se faire aimer ? » Ils n'utilisent donc leur don qu'avec parcimonie, parfois simplement pour admirer l'être aimé dans son sommeil. Dans ce deuxième album, une femme découvre qu'elle est trompée en soignant son serpent, un chat perturbe la vie sentimentale d'un couple, une gamine provoque la mort stupide de son camarade, trois copines jouent une mauvaise farce à un brave type... Ces récits, illustrés par la sobre ligne claire de Stéphane Oiry, laissent songeur, mi-amusé mi-circonspect. Pourquoi introduire cette pointe de fantastique dans des chroniques douces-amères dont l'intérêt tient finalement fort peu à cet élément fantastique ? Prenons la dernière histoire, où deux jeunes femmes vont voler un peu d'argent à un gentil disquaire qui essaye de jouer les séducteurs. Quel intérêt y'a-t-il à ce que ce vol soit facilité par la possibilité de passer à travers les murs ? Aucun, manifestement. Et dans la première histoire, qu'on trouve un string dans le ventre d'un serpent ou simplement sous un lit change-t-il fondamentalement le problème ? Non. Le but des auteurs n'est donc pas d'écrire de véritables récits fantastiques, ni de pousser jusqu'au bout la logique de ce don bizarre. Ils s'en tiennent à peindre des tranches de vie ordinaires, à peine perturbées par quelques étrangetés. C'est intrigant et on sourit souvent malgré la mélancolie ambiante, mais on s'interroge sur la finalité de ces histoires anecdotiques qui ne forment même pas une toile cohérente. Bref, Les Passe-murailles forment une série atypique, dont la tonalité légère et ambiguë n'aurait sans doute pas déplu à Marcel Aymé — auteur du Passe-muraille par la suite incarné au cinéma par Bourvil — mais dont on ne sait pas trop à quel public elle peut s'adresser...
Pascal Patoz nooSFere 30/10/2006
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