Le B.P.R.D., ou « Bureau for Paranormal Research and Defense », a pour objet de chasser à la fois les démons et les nazis, à l'image d'Hellboy qui en fut l'agent le plus illustre. L'équipe regroupe Abe Sapien, un humanoïde amphibien, la brûlante Liz Sherman, une mutante aux pouvoirs « pyrokinétiques », Roger, une sorte de golem à l'intelligence limitée, Johan Kraus, un médium dont ne subsiste que le corps astral, contenu dans une combinaison spéciale, et enfin le Dr Kate Corrigan, dont le savoir paranormal tient lieu de principale qualification...
Bon nombre d'aventures de ce genre de super-héros se résument à les voir arriver dans un endroit, y débusquer une effroyable créature démoniaque et finalement tout péter. C'est le cas du prologue de cet album, appelé Renaissance, sans grand intérêt sur le plan du scénario mais agréablement spectaculaire. En revanche, les chapitres qui suivent s'avèrent beaucoup plus intéressants, entremêlant deux lignes narratives parallèles, sans lien l'une avec l'autre. La première nous entraîne aux côtés d'Abe Sapien, dans une maison hantée du XIXe siècle, où il retrouve sa femme décédée. L'illusion le retient un moment, avant qu'un miroir ne reflète la triste réalité. Cette « ghost story » intimiste — lointainement inspirée par une nouvelle de Nathaniel Hawthorne, Feathertop — détone au milieu d'un comics d'ordinaire plutôt violent. Ce conte fantastique classique surprend de manière d'autant plus savoureuse que son héros amphibien en apparaît tout à fait décalé. Le second fil de l'intrigue s'attache au reste de l'équipe qui se voit placé sous le commandement de Benjamin Daimio, ex-capitaine de marine, ex-béret vert, mais mort-vivant en service. Pour faire face au « fléau des grenouilles » — voir le tome 3 — , le B.P.R.D. déménage au Colorado, dans un vieux centre de recherche abandonné. Une fois sur place, Johan Kraus se met à avoir un comportement bizarre, jusqu'à ce que soit exhumé un savant nazi, enfermé dans les entrailles du bâtiment depuis 1958. Un savant qui conserve de bien mystérieux desseins...
Même si le dénouement de cette deuxième trame revient dans la logique de la série — un gros monstre à dégommer — , cet album s'avère donc intéressant à plus d'un titre. En outre, ni l'action ni l'humour ne manquent — on appréciera par exemple la réaction embarrassée du capitaine de marine zombi face à l'absence de « virilité » de l'homoncule Roger, qui possède de fait un anneau métallique à la place du sexe... Mais le scénario ne suffirait peut-être pas à enthousiasmer autant si Guy Davis n'était pas aux commandes graphiques. Son style si personnel — qui fait merveille aussi bien dans l'austère Marquis que dans les inénarrables Zombies qui ont mangé le monde — colle à nouveau parfaitement à l'ambiance paranormale de B.P.R.D. Ses créatures monstrueuses ont peu d'équivalent en bande dessinée et, bien que non réaliste, son dessin sait rendre attachant le moindre de ses personnages, qu'il soit comique ou monstrueux.
Bref, voilà un excellent cru pour les amateurs de fantastique et de super-héros modernes, sans masques ni collants.
Pascal Patoz nooSFere 01/11/2006
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