Le Malleus Maleficarum (Le Marteau des Sorcières) est un traité de démonologie, une référence à l’usage des inquisiteurs. Approuvé officiellement en 1487, par les théologiens, il décrit les raisons et les causes de l’existence des sorcières, ainsi que les traitements appropriés pour les démasquer. C’est un livre à la puissance maléfique dont l’influence perdure à travers les siècles. Pierre Tournefort est le seul propriétaire du dernier exemplaire connu. Par e-mail, un mystérieux John lui donne rendez-vous à Paris. Celui-ci déclare travailler au sein de Priority Files, une organisation secrète. Il lui raconte qu’à Londres, à la fin du mois d’août 1888, Walter Woolcoat, qui a repris depuis quelques jours l’appartement de Logan Mercury, un journaliste d’investigation, découvre dans un recoin derrière la bibliothèque, un exemplaire du Malleus. Fébrile, il mande d’urgence son ami Devin Devries et lui présente sa découverte comme un des écrits les plus imbibés de sang de l’Histoire. Le même soir, un crime horrible est perpétré sur une prostituée, dans un quartier misérable de la ville. Logan Mercury s’entiche pour cette affaire et commence à enquêter. Il découvre sur les lieux du meurtre d’Annie Chapman une étrange inscription, en lettres de sang : Man Aces Cemjk. Lorsqu’il en parle à Walter Woolcoat, celui-ci blêmit : c’est le titre d’un chapitre inachevé du Malleus Maleficarum…
Jean-Christophe Thibert fait montre d’un goût prononcé pour les vues plongeantes et les perspectives vues de dessus. Il restitue les éclairages chiches, maigres des moyens de l’époque et exprime des ambiances sombres teintées, à grand peine, par les lueurs des lampes à pétrole. Il donne à ses personnages des « gueules » magnifiques et des airs de Lino Ventura à Pierre Tournefort. Thibert ne fait pas la couverture « trompeuse » avec une illustration plus « lichée » que les dessins des pages. On retrouve à l’intérieur la même qualité, le même soin, le même souci du détail.
Quant à l’intrigue, c’est une merveille de construction sur un thème si archiconnu qu’il en devient presque un repoussoir ! Je vous avoue que, lorsque page 7 le mystérieux John évoque Jack L’Éventreur, je me suis dis : « Oh ! M…, encore !» et j’ai eu envie de refermer l’album. Mais mis en alerte par la teneur des premières pages, j’ai continué, …et je ne le regrette pas. Avec les exploits surmédiatisés de l’assassin, Siro réussit à faire une intrigue novatrice avec des personnages « inconnus », un livre diabolique et un message sibyllin. C’est astucieusement mené. Du grand art ! À ne pas rater non plus, les quelques pages consacrées aux moines, auteurs du livre. Elles valent leur pesant de bêtise. Mais ce qui est effrayant, angoissant, c’est de penser qu’aujourd’hui encore des millions de personnes raisonnent de cette façon et réagissent ainsi.
Le Marteau des Sorcières est une série de haute qualité qui sort des sentiers battus. Bravo Messieurs !
Serge Perraud nooSFere 01/02/2007
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