Un petit port sous la neige. Une silhouette encapuchonnée entre dans une taverne. Son insolence et l’énoncé du pays d’où elle vient provoquent la réaction des pirates présents. Ceux-ci découvrent, sous le manteau, une jeune femme qui leur fait front. Cependant, elle est sortie du mauvais pas où elle s’est placée par un homme d’âge mûr, occupé à écrire au fond de la salle. Il se présente comme étant Nelson Lobster, marin et aventurier, ayant mis le pied sur toutes les terres du monde. Il dit être occupé, à la demande d’une amie, à rédiger ses mémoires. La jeune femme est très intéressée. Il lui raconte alors son enfance. Comment, trouvé dans un tonneau dérivant sur une pinasse vermoulue, il a été adopté par le cuisinier, puis a grandi sur le Bélouga. Ensuite, il relate pourquoi il a été amené, après avoir vaincu un Léviathan, à débarrasser une île de ses dragons. Mais les aventures qu’il raconte alternent avec ses aventures actuelles, car La Mort s’impatiente…
L’aptitude d’Éric Corbeyran à passer d’un registre à un autre est assez étonnante. Ainsi, il est capable d’écrire Rosangella, (Dargaud) le portait d’une femme meurtrie par l’existence et de passer allègrement à un récit d’aventures maritimes, burlesques et fantaisistes. L’auteur, avec cette nouvelle série, fait preuve d’un sens de la malice et de l’ironie, allant presque à l’autodérision. En effet, il est difficile de faire la part du vrai et du faux dans les aventures que raconte Nelson. D’autant que celui-ci avoue : «…sans compter tout ce que j’invente pour corser les moments les plus faiblards et regonfler les actions trop molles. » Et le scénariste d’ajouter, ce qui pourrait être une profession de foi : « En définitive, la vie n’est intéressante qu’une fois couchée sur le papier… » Il offre ici, avec ce nouveau personnage, qu’il soit âgé ou plus jeune, un héros sympathique à la faconde triomphante.
Florent Calvez, qui s’est déjà illustré avec U-29, un one Shot qui conte un huis clos dans un sous-marin, offre un ensemble graphique attrayant, avec des dessins agréables à l’œil tant pour les personnages que pour les décors. Cependant, ses planches manquent un peu de dynamisme dans les actions plus musclées.
L’Île des Lestrygons est un premier tome réussi, au sujet attirant, qui se lit sans interruption.
Serge Perraud nooSFere 23/01/2007
|