Ô Aldara ma bien-aimée, j'irai t'arracher au Royaume des Morts. Je sais que tu n'es pas morte, que ta chair peut renaître encore si je ramène ton âme prisonnière entre les deux mondes.

     N'aie crainte, Ô Aldara, j'affronterai le dieu injuste auquel les miens t'ont offerte en sacrifice.

     Je braverai pour toi tous les périls qui me séparent de Maldhoror, et je tuerai quiconque se mettra en travers de ma longue route.

     Vois, Aldara, je marche déjà vers toi, j'avance et je suis prêt à me mesurer avec le gardien des âmes creuses.

     Me reconnais-tu ? Je suis Agon, le premier guerrier à violer les limbes où les esprits reposent, Agon dont la haine sera plus forte que la mort elle-même, Agon dont l'amour vit tout entier dans ton corps embaumé...

     Parce qu'Aldara a été sacrifiée au dieu-démon Madorak, son fiancé Agon se lance dans une longue quête destinée à retrouver l'âme de la défunte...

     La fantasy se fonde le plus souvent sur une quête. Ici, pas d'élu destiné à sauver le monde ni d'objet magique à retrouver ou à détruire, il s'agit plutôt d'une variante très libre du mythe d'Orphée et d'Eurydice. Inutile de la résumer plus complètement : divers personnages, diverses créatures, diverses péripéties constituent les ingrédients ordinaires de toute quête.

     En revanche, on peut insister sur la qualité exceptionnelle de cette série.

     Tout d'abord, il ne s'agit pas d'un n^ième monde médiéval mais d'un monde plus primitif à l'imagerie plus originale, peuplé d'hybrides — dont le sympathique Beluch, l'homme-lion — et d'animaux bizarres, un monde où les démons marchent au milieu des hommes et où la magie peut parfois s'avérer puissante... De même, les héros ne sont pas les conventionnels guerrier-mage-archer-voleur-nain-etc. mais un simple homme amoureux, un homme-lion qui s'est pris d'amitié avec le précédent, la fille d'un démon contrainte par la magie... et tout de même un mage, pas très reluisant, légèrement truand, mais efficace. Enfin, les épreuves qu'ils traversent sont également bien menées, évitant au lecteur la cruelle impression de « déjà lu » trop souvent ressentie, avec en prime une ironie légère mais omniprésente dans les dialogues (sans rapport avec la prose emphatique et quelque peu rebutante du quatrième de couverture).

     Quant au dessin, il est tout simplement superbe, à la fois précis et sensuel, réaliste et onirique, ainsi que réellement créateur d'une imagerie originale, soutenue par un remarquable travail sur les couleurs directes.

     Ainsi Les Hérésiarques a tout pour former une série de fantasy hors normes, à placer à côté des séries de référence du genre. On espère la suite avec d'autant plus d'impatience que le héros semble irrémédiablement mort à l'issue de ce deuxième album — même si l'on se doute que dans ce genre d'univers, une résurrection-surprise est hautement probable. A découvrir sans tarder !