Donc il y a eu L'Incal, Avant l'Incal, Après l'Incal (en cours), La Caste des Méta-Barons, Les Technopères... et voilà désormais le « Avant la Caste des Méta-Barons », en attendant sans doute un après, et des avant/après pour les Technopères. Doit-on regretter que Jodorowsky ait du mal à se renouveler ou se réjouir de voir encore s'étoffer son univers si particulier ? Doit-on suspecter une certaine paresse, un certain mercantilisme, ou au contraire souligner le génie visionnaire d'un créateur aux obsessions récurrentes ? A chacun de juger.
Un mot de l'histoire quand même. Il s'agit donc cette fois de retracer l'histoire des ancêtres des ancêtres du Méta-Baron. Tout commence sur la planète Ahour-la-naine. Au Sud, les Amakura, drapeau rouge, code Bushikara ; au Nord, les Castaka, drapeau blanc, code Bushitaka. Le départ est lancé : tout ce petit monde passe son temps à se battre pour d'obscures raisons. Le chef des Amakura enlève et viole la reine des Castaka, ce qui énerve un brin le roi des Castaka et paf, c'est le massacre. De manière un peu radicale, ce roi dépourvu d'humour libère volontairement un gaz qui rend stérile tous les hommes de la planète, amis et ennemis confondus, comme quoi il ne fallait pas l'énerver. Seul le bâtard de la reine violée restera donc fécond. Après l'accouchement, la reine commence tout naturellement par bouffer l'épaule du nouveau-né, avant de se suicider — tradition oblige, vous comprenez. Du coup, le jeune Dayal se verra obligé de copuler avec toutes les femelles de la planète, ce qui le fatigue, pauvre pitchoune. Mais quand on n'aura plus besoin de lui, il trouvera le réconfort auprès d'une mégère qui lui bouffera également l'épaule, lui rappelant sa mère et lui faisant verser quelques larmes attendries. Le couple aura ainsi des jumelles. Quelques temps plus tard, la secte des nanotechnos passe dans l'espace voisin et décide de désintégrer la petite planète pour faire plus propre. Coup de bol, « par un miraculeux hasard, Dayal de Castaka et sa famille, réfugiés dans leur grotte, survécurent » (p.55). Leur grotte étant équipée pour la survie dans l'espace, ce n'est pas trop grave, et toute la petite famille deviendra alors des pirates de l'espace.
Je n'exagère rien, c'est un résumé fidèle ! Même si l'on passe sur le côté parfaitement ridicule de l'intrigue, j'avoue pour ma part trouver de plus en plus insupportables les traditions familiales qui consistent à se mutiler les uns les autres, ces discours emphatiques sur l'honneur et l'élitisme, et ces sublimes sentences définitives du genre « il n'y a qu'en sachant perdre qu'on peut gagner » (p.8) ou « un guerrier valeureux ne pense pas en termes de victoire ou de défaite, il combat sans répit jusqu'à la mort dans l'honneur » (p.11). Les combats sont grandiloquents, il n'y a aucun discours ni aucun second degré perceptible dans ces aventures excitées entre gens hargneux, toutes les thématiques mis en scène ont déjà été abordées par Jodorowsky dans ses précédentes œuvres... Bref, je ne trouve pour l'instant aucune qualité dans le scénario qui pourrait justifier de s'intéresser à cette nouvelle série.
Hélas, le dessin de Das Pastoras est superbe... Alors que faire ? Eh bien, les fans achèteront quand même, tandis que les allergiques à Jodorowski pourront se rabattre sur les Hérésiarques, où l'on saura également admirer le graphisme de Das Pastoras, mais avec un scénario plus plaisant.
Pascal Patoz nooSFere 07/05/2007
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