Le monde de l’imaginaire est si vaste que chacun peut le compléter à sa guise, soit avec l’introduction de nouveaux sujets de fiction souvent liés à l’émergence de nouvelles technologies ou de faits de sociétés, soit par une approche nouvelle d’un thème déjà exploité par ailleurs. Le conte, la légende se prêtent bien à cette évolution d’autant qu’ils se doublent, en général, d’une quête d’apprentissage, d’un passage de l’enfance vers l’âge adulte. C’est cette problématique que retient Mathieu Gallié pour l’intrigue de MangeCoeur. Il lance un jeune garçon à la poursuite d’un élément féerique destiné à sauver un être cher.
Le grand-père de Benjamin est marionnettiste. Il présente un spectacle qui met en scène un petit garçon qui veut entrer dans le monde des fées et qui devient un chat qui vole. Ce spectacle a bien du succès et Benjamin lui réclame une histoire dont il serait le héros, avec le chat. Son grand-père promet. Ensemble, ils vont saluer le public, mais le marionnettiste est victime d’un malaise. Benjamin veille son aïeul pendant que sa mère est partie chercher des médicaments à la ville lointaine. Le garçon s’endort et retrouve son grand-père qui lui raconte comment il rencontra le vrai chat qui vole, celui qui a servi de modèle à la marionnette. Benjamin joue et partage des aventures avec l’animal. Des appels réveillent le garçon : c’est la marionnette qui répond à son appel. Les fils coupés, celle-ci devient réelle. Le chat examine le corps du grand-père et diagnostique la cause de la maladie : il a une larve de MangeCoeur, un papillon né de l’infinie tristesse d’un homme. Il faut en trouver un autre, avant la fin de la nuit, pour contrer son essor, sinon le grand-père mourra. Il faut se rendre à la fête, dans le quartier des montreurs d’animaux, convaincre l’éleveur de Mangecoeur de lui en céder un.
Le scénariste développe un climat onirique et fantastique autour d’un enfant, jouant avec les codes, prenant le contre-pied de la lecture habituelle des composantes qui construisent son récit. Ainsi, les clowns qui sont traditionnellement les amis des enfants deviennent des chasseurs et des prédateurs. Le parc d’attractions devient, ici, le domaine réservé et exclusif des adultes… L’intrigue bâtie sur les difficultés qui s’amoncellent, sur le temps qui passe trop vite, génère une tension et l’envie de tourner les pages. Mathieu Gallié joue avec tous les registres du rêve, du conte et de la féerie. Il compose une galerie de personnages que l’on accompagne avec plaisir, même ceux qui assument les rôles de méchant.
Mais le scénario, aussi fort soit-il, resterait fade sans les dessins et les couleurs de Jean-Baptiste Andréae. Celui-ci donne corps et vie à ces personnages féeriques et illumine les vignettes avec un art recherché de la colorisation. Il réalise des portraits dont l’expressivité est remarquable et des décors richement travaillés.
Une première collaboration de deux auteurs talentueux, qui fût remarquée à l’époque et qui perdure pour notre plus grand bonheur. Ils commencent, ainsi, La Confrérie du crabe, une série élégante chez Delcourt
Le MangeCoeur révèle une histoire passionnante, une magnifique allégorie sur le chagrin, dans un univers féerique mis en images de façon superbe !
Serge Perraud nooSFere 01/08/2007
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