Ce qui frappe à la première vision de l’album, c’est la beauté de l’illustration de couverture. Patrik Prugne ressuscite un « Gavroche » qu’il dote d’un regard où passent toute la richesse et l’innocence de l’enfance. Et contrairement à nombre d’albums, l’enchantement continue lorsque l’on découvre les pages intérieures. Ce sont les aquarelles d’un Maître, les compositions d’un artiste qui joue avec maestria de son sujet. Les silhouettes même esquissées sont pleines de vie ; les couleurs des ciels, de la mer preque plus vraies que nature imposent le climat et l’atmosphère de l’histoire : la pluie est froide, les flots glacés et la nuit effraie… Les expressions des personnages sont explicites en quelques traits. Certes, avec Tiburce Ogier au scénario, la poésie est déjà omniprésente ; le découpage du récit et sa mise en scène concourent à renforcer cette atmosphère fantastique et onirique.
Dans ce troisième tome, l’aubergiste poursuit son récit. Au seuil de la mort, il veut témoigner, expliquer ce qui s’est passé dans ce coin de Bretagne où même le diable hésite à venir. Pourtant c’est une bourgade prospère avec la conserverie de De Baronie. Il explique que les victimes de l’étrange malédiction qui pèse sur le village ne se plaignent pas : elles disparaissent pour reparaître, quelques jours plus tard, comme si rien ne s’était passé. L’épidémie frappe la population qui travaille à la conserverie, ainsi que les pêcheurs qui livrent leurs cargaisons. Cependant la main-d’œuvre manque au point de faire venir des forçats du bagne de Brest. Pour les habitants, Irena reste un mystère, surtout depuis qu’elle a sauvé Yann le marin et le petit Merwin des griffes d’horribles créatures. Mais une nuit, ces dernières émergent des flots et entraînent la moitié de la population avec elles. Dans l’auberge attaquée elle aussi, Irena, aidée de ses « amis », et Yann combattent après avoir mis le tenancier et Merwin à l’abri. Dans la bataille, le marin perd une jambe. Gravement blessé, c’est grâce aux bons soins d’Irena qu’il survit. Quelques semaines plus tard, il se déplace facilement avec un pilon de bois. La population survivante voit cette guérison d’un mauvais œil. Les accusations de sorcellerie, d’association avec le diable, commencent à fuser...
Les Remords de l’aube, dernier tome de la trilogie L’Auberge du bout du monde, conclut superbement le récit. Certes, on peut regretter que le scénariste n’approfondisse pas plus son histoire, qu’il ne fasse qu’esquisser le caractère de ses personnages. Mais le rythme de l’histoire, sans être trépidant, se maintient à un bon niveau de tension, l’auteur allant à l’essentiel sans se perdre dans des récits secondaires. L’introduction des éléments vers la solution est faite avec beaucoup d’adresse et de finesse. L’histoire de ces héros est très belle et la conclusion, toute dramatique quelle soit, laisse une large place aux sentiments humains.
Une série qui mérite le détour pour un scénario au romantisme fantastique et pour un graphisme fabuleux. Chaque vignette est un tableau !
Serge Perraud nooSFere 29/07/2007
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