De retour à Londres après un long voyage, Prudence Endicott décide de reprendre le rôle tenu par sa mère : celui de conciliatrice de la ville. Gouvernante le jour, elle devient la nuit une justicière qui règle les tracas des pauvres gens. Suite à un simple problème de voisinage, elle découvre le monde des Oubliés, le petit peuple qui habite les sous-sols de la ville. Les Oubliés sont au bord de la révolte et la nouvelle conciliatrice aura fort à faire pour empêcher la guerre qui se prépare.

     Prudence Endicott, l’héroïne telle que la veulent ses créateurs, est mignonne mais non sexy. C’est un personnage au caractère surprenant sous des dehors austères, voire réservés. Les auteurs placent l’intrigue dans un 19^e siècle anglais fantasmé, avec une ambiance londonienne très « british ». Cependant, dans une époque connue pour son oppression de la femme, ils font de Prudence un personnage émancipé, très actuel et lui donne une liberté de vie et de ton. Toutefois, celle-ci à bien du mal à imposer sa personnalité, sa façon de voir les choses et de les faire, car la stature de sa mère, la précédente conciliatrice, reste très présente, pour ne pas dire pesante. Les actions qu’elle accomplit ont des conséquences qui ne sont pas toujours celles qu’elle souhaite, mais elle en accepte la responsabilité.

     Jean-Christophe Derrien, qui adore les histoires de secrets, d’apparences différentes de la réalité, crée pour ce faire une ville à trois niveaux : les riches, les pauvres et les difformes et fait de Prudence le lien entre les trois mondes.

     Xavier Fourquemin apprécie particulièrement les mondes parallèles, les sociétés cachées, le côté magique des portes qui s’ouvrent sur des univers différents. Il aime également dessiner les êtres contrefaits. Et pour ce diptyque, il se régale, même s’il reconnaît s’être retenu pour les représenter. Pour Miss Endicott, il nous régale d’un Londres aux ambiances glauques, aux mondes souterrains avec des êtres qui entrent dans une autre normalité.

     Les auteurs confrontent cette « frêle » jeune femme aux pires voyous de la cité, aux attaques des animaux. Mais celle-ci n’a de frêle que l’apparence car elle fait front, utilisant des armes redoutables comme son parapluie, des aiguilles à tricoter, manipulant celles-ci comme le fait Serval, un X-Men, avec ses griffes d’acier rétractiles.

     Miss Endicott est un superbe album d’ambiance, au scénario passionnant et aux dessins amples où les personnages ont de la place pour évoluer. Cette BD qui a connu un parcours de réalisation changeant mérite bien d’avoir sa place dans la collection Signé, d’être la première pierre de la reconstruction de cette collection.

Serge Perraud          
nooSFere          
18/09/2007