Saria, la fille naturelle du prince Asanti, reçoit de son père mourant, un coffret contenant trois clés. Celles-ci, lui révèle-t-il, ouvrent trois portes, l’une sur les enfers, l’autre sur les paradis célestes et la troisième sur le néant. Mais il existe une porte qui accepte les trois clés et qui ouvre sur… Il leur demande de fuir car ce coffret exacerbe les pires convoitises. Galadriel, l’ange, gardien de la porte, vient, lui aussi, chercher les clés. Avant de mourir, tué par l’ange, le prince aiguille celui-ci sur une fausse piste, le renvoyant sur un corps de l’Église qu’il exècre. Les représentants du pouvoir arrivent également trop tard et selon les instructions, incendient le palais. Six ans passent et une jeune fille rousse, surnommée La Luna par le peuple, prend la défense des opprimés, des humbles et des persécutés par le pouvoir religieux. Mais la traque des clés reste toujours d’actualité…
Jean Dufaux, expert en histoires tortueuses, aux nombreuses ramifications avec des fils d’intrigue qui s’entrecroisent sur plusieurs niveaux place son nouveau récit dans une Venise singulière pour répondre au souhait de Paolo Serpieri. Il croise les époques, mêlant des personnages aux costumes médiévaux, des dignitaires religieux aux tenues intemporelles et une police en uniforme des milices du Duce. Autour de ces clés et des groupes d’influence qui veulent s’en emparer, le scénariste construit un récit passionnant, dénonçant les intégrismes, l’usage de croyances pour acquérir et garder le pouvoir, l’utilisation de symboles pour asservir les esprits, avec tous les trucages et les magouilles que cela implique. Aventures, traque infernale et machinations machiavéliques sont les principaux ingrédients de ce récit passionnant.
Paolo Serpieri, de son dessin à la plume si caractéristique, invente une ville démentielle d’où il fait ressurgir des extensions qui grouillent, qui enflent, qui prolifèrent de façon anarchique. Il dessine des gueules absolument incroyables, un pape dont le cerveau n’est fait que de fils, à l’image d’un robot, d’un androïde et des plastiques féminines aux formes bien rebondies.
Les Trois clés est un premier album fort réussi par deux géants de la BD. C’est du Frédérico Fellini revisité par Dante.
Serge Perraud nooSFere 23/10/2007
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