II était une fois un royaume enchanté où vivaient de belles princesses, des dragons, des rois pas toujours très malin, des ogres et des lutins, de fiers chevaliers et de tranquilles batraciens. Il était une fois une grenouille (Garulfo) qui par la grâce d'un doux baiser se transforma en prince (Romuald), et un prince (Romuald) qui, juste retour des choses, se transforma en Grenouille (Garulfo). Mais le prince redevint prince. Et la grenouille aussi, et euh, non c'est la grenouille en fait qui se retransforme. A moins que ça ne soit le prince. Parce qu'ils veulent redevenir eux-mêmes, vous comprenez, et pour cela il faut que la princesse embrasse la grenouille, non le prince. Parce que bien évidemment la princesse a déjà embrassé la grenouille mais elle ne veut plus embrasser le prince qui en fait est une grenouille. C'est clair, non ? Si vous n'avez rien travé, courez dans la librairie la plus proche, ou chez votre pote collectionneur de BD et plongez vous dans Garulfo. Vous comprendrez pourquoi le naïf Garulfo a été arraché à sa douce mare natale pour se retrouver dans le corps d'un prince bellâtre et arrogant. Vous ferez la connaissance d'un garçon pas bien grand nommé Poucet, d'un certain marquis de Carabas et de son intendant botté, d'un ogre maladroit au cœur tendre... Vous serez plongé dans une suite d'aventures échevelées et captivantes empruntant allègrement à l'imaginaire de notre enfance : Grimm et Perrault ne sont jamais très loin. Outre l'usage consommé de références littéraires, le scénario fait montre d'une inventivité virtuose, d'un sens du découpage dynamique ; d'un timing digne pour certaines scènes de Tex Avery. Le dessin n'est pas en reste : lisible, sensible, joyeux, énergique. On aura déjà remarqué le scénariste Alain Ayroles dans l'excellente série De cape et de croc, et assisté ainsi à l'émergence d'un grand talent (n'ayons pas peur des superlatifs). Il y a du Goscinny dans ce Ayroles ! (j'vous jure, Delcourt m'a pas payé). Voilà qui vous lave les yeux et l'esprit du techno-gore-glauque-cyber-violent ambiant. On espère simplement que les auteurs sauront ne pas trop tirer sur la corde d'un succès certes mérité mais qu'il ne faudrait par ternir à coup d'albums-suites à rallonge. Allez les gars, finissez-nous Garulfo en beauté et régalez-nous d'une nouvelle BD du même tonneau !
Eteyas Bifrost n°11 01/12/1998
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