On a beaucoup écrit sur les Cathares, sur la Croisade contre les Albigeois. Mais on a surtout insisté sur leur martyre, de Minerve aux derniers bastions de Montségur. Or, l’épopée cathare ne se résume pas à ces événements dramatiques. C’est avant tout un magnifique élan religieux, la recherche de la pureté des origines. En fait, tout ce que rejette la hiérarchie de l’église catholique qui n’avait qu’une idée en tête : se goinfrer de richesses, assouvir un pouvoir. Ce qui ne l’empêchait pas de prôner, pour les autres bien sûr, les vertus de la charité, du dénuement et l’obligation d’oboles pour …la plus grande gloire du Christ.
Avec cette trilogie, Makyo entend resituer ce mouvement dans l’Occitanie du Moyen Âge et montrer, par le petit bout de la lorgnette, les affrontements entre les cathares et les catholiques aidés par le pouvoir royal. Les premiers cherchent à retrouver l’essence même de la religion, le sens originel des Écritures. Les Cathares prêchaient, par leur exemple, une vie d’ascèse calquée sur celle des premières communautés chrétiennes. Imaginez que ce genre de discours ne pouvait plaire à une hiérarchie religieuse corrompue, vivant grassement sur des dogmes et une « réécriture » des Évangiles orientée dans le sens « favorable ». C’est l’Inquisition, créée spécialement pour lutter contre l’hérésie, qui les qualifie de parfait, sous entendu de « parfaits hérétiques », alors qu’entre eux les fidèles se nommaient les bons hommes, les bonnes femmes…
Le Parfait introuvable se déroule en 1310. Guilhem a perdu la mémoire. Seul un rêve étrange surnage, un combat contre une ombre. Il a été recueilli par un guérisseur dont il devient l’apprenti. Un jour, alors que son maître est malade et sur la demande pressante d’une mère éplorée, il va « soigner » un enfant et le guérir. Sa réputation grandit et nombre de gueux viennent le consulter, repartant en chantant ses louanges. Près de Toulouse, un abbé traque Simon Azalaïs, venu près de sa mère qui se meurt. Quand le moine arrive, le visiteur a disparu. Fou de rage, il met le feu à la paillasse… Un homme se présente devant Guilhem, lui montre une cicatrice faite par son frère …et le désigne comme celui-ci !
Makyo, qui apprécie par-dessus tout faire émerger, sans transformer l’Histoire, les dimensions parallèles, les aspects ésotériques de certaines situations, nous régale d’un récit riche et dense. Il imprègne ce premier tome d’un réalisme fantastique tout à fait pertinent. Il joue sur des valeurs inversées : les représentants « officiels » du bien sont de vrais bourreaux, alors que ceux qui sont présentés comme des hérétiques sont en fait les porteurs d’une foi de partage.
Alessandro Calone, qui possède une expérience variée dans les domaines liés à la création graphique, signe avec cette série sa première collaboration avec un éditeur français. Il maîtrise tous les stades du dessin, de la mise en couleurs et sait rendre leur dimension humaine à ses personnages. Un auteur à suivre !
Le Parfait introuvable a …« trouvé » un très bon niveau créatif et augure d’une série passionnante par l’abord, sous un angle novateur, d’un thème archi utilisé mais si mal connu.
Serge Perraud nooSFere 29/02/2008
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