Malgré l’occupation barbare par un envahisseur qui veut éradiquer une civilisation, l’ouverture vers un tourisme sportif, le Tibet reste une des dernières régions du monde à garder, presque intacts, ses mystères et ses secrets. Cette situation excite l’imagination des créateurs qui trouvent dans ces monastères hermétiques, les bases d’intrigues ésotériques où le mystérieux le dispute à l’occulte.
C’est dans ce contexte que se place le scénario de L’ombre du temps. L’action se déroule en 1951, au début des exactions chinoises. Le professeur Egon Bauer a su s’intégrer dans un monastère tibétain et travaille sur des documents qui le stupéfient. Ceux-ci remettent en cause les fondements de l’histoire de l’humanité. C’est ce moment que « choisit » l’armée chinoise pour attaquer le cloitre avec pour objectif de supprimer toutes idées religieuses. La soldatesque tue et détruit. Bauer veut faire valoir son statut de citoyens américain, mais il est assommé, abandonné dans la bibliothèque en flammes. Cependant, il revient à lui, tente de fuir avec des documents quand des poutres enflammées lui tombent dessus. Dans une semi conscience, il voit un homme approcher, le reconnaît, stupéfait, en l’appelant Yus Asaf. À Hollywood, sa fille, qui n’a plus de nouvelles depuis six mois, veut partir à sa recherche. Son oncle, producteur de cinéma, embauche un détective privé pour l’accompagner. Celui-ci n’est pas enthousiaste pour aller dans un tel coin, mais il lui faut, à cause d’un mari trompé fort vindicatif, mettre un peu de distance et se faire oublier…
Dal Pra’ ne fait pas preuve d’une inventivité extraordinaire dans le choix des thèmes principaux de son intrigue. Un scientifique qui disparaît, sa fille qui part à sa recherche sont des sujets déjà fort exploités. Mais il sait donner du corps à son récit, camper des personnages et intégrer dans son histoire les problèmes politiques, sociaux dominants de la période. Il évoque fort bien la répression chinoise au Tibet et le Maccarthysme aux USA, cette psychose paranoïaque qui déferla sur la nation, bloquant toute évolution, toute liberté. Mais cette dernière n’a t-elle jamais eu, dans ce vaste pays, d’autre réalité que la statue de Bartholdi ? Il ouvre cependant, avec un personnage venant de Pékin, vers moins d’intégrisme politique, vers une plus large compréhension du monde et des ses clivages.
Le graphisme de Grella évolue au fur et à mesure de l’avancement de l’album, allant d’un dessin en couleur directe vers de véritables vignettes peintes comme des tableaux.
La mise en place de l’intrigue, avec cette hypothèse sur le départ de Jésus de Nazareth pour le Népal à l’âge de douze ans, des intervenants conformes à leur emploi, laissent augurer d’une série de bonne tenue.
Serge Perraud nooSFere 01/01/2008
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