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« Okhéania » aurait pu s’appeler « Le Monde Vert ». Imaginez en effet une planète dont la surface serait entièrement recouverte par la végétation… Une végétation à perte de vue, si haute, si épaisse et si profonde qu’elle en serait totalement impénétrable… Une végétation si serrée et si dense que, lorsque votre œil épouse cette étendue, il a l’impression de contempler un véritable océan, avec ses vagues, ses creux, ses vents, ses ondulations et ses courants. À présent, fermez les yeux. Vous avez l’image en tête ? Vous percevez les embruns ?
Bienvenue sur Okhéania…
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Jon et Jasper, deux jeunes adolescents étouffent sur le vaisseau, une véritable ville en constante errance. Ils sont sortis faire du surf’ace. Tout à leurs jeux, ils s’éloignent du bateau, confiants dans l’efficacité de leur bipeur. Un tsunami les surprend. Jon disparaît dans les flots, alors que Jasper perd connaissance, emporté par les rouleaux. Ce dernier se réveille dans une cabine et veut partir à la recherche de son ami. La porte est fermée. Il force l’écoutille et tente de descendre le long de la paroi. Mais, il glisse. Sa chute est opportunément arrêtée par un crochet. Pendu par sa ceinture, il entend une violente dispute entre un homme et une femme au sujet de la recherche d’un dirigeable. Quand la cabine est vide, grâce à des contorsions, Jasper entre par le hublot. Il prend connaissance du livre de bord, puisqu’il est dans la cabine du capitaine. Le rapport fait état de son seul sauvetage. Il décide d’aller interroger le sauveteur pour avoir plus de nouvelles. Mais, il est sur un navire en mission ultrasecrète et les responsables le prennent pour un espion… Pendant ce temps, dans les entrailles de Okhéania, Jon a survécu à son naufrage. Il est soigné par une jeune demoiselle, mais il n’a qu’une envie, partir à la recherche de Jasper et rassurer sa famille. Mais les deux mondes qui s’ignorent peuvent-ils se retrouver ? La partie en cours et ses enjeux ne dépasse-t- elle pas le sort des deux enfants ?
Le nouvel univers de Corbeyran est pour le moins original. Certes, nombre d’auteurs ont déjà imaginé des sociétés, des civilisations entièrement dépendantes des arbres ou de la nature. Aouamri et Tarvel ont signé Sylve dans les années 90, Laurent Genefort a développé un arbre-univers dans Les chasseurs de sève et, tout dernièrement, Clive Cussler imagine, dans À la recherche de la cité perdue, une algue mutante pouvant remplir les mers et océans jusqu’à les rendre « solides ». Mais l’angle d’attaque est novateur : un monde vert entièrement dédié à la végétation, sans terres ni continents, sans pays, sans conflits. Le mot paix n’existe pas car il n’y a pas de guerre ! Les rencontres entre les villes errantes donnent lieu à des fêtes. On peut toutefois s’interroger sur l’éclosion, l’épanouissement et le développement de la race humaine sur ce monde, ainsi que la façon dont elle s’est développée technologiquement.
Cependant, le scénariste, en quatre-vingts pages, ne nous noie pas sous les péripéties. Il laisse à Alice Picard et Elsa Brants le temps et l’espace pour que leurs talents puissent se déployer. Et… ils se déploient !
Alice Picard compose un univers graphique d’une grande beauté, alliant comme dans son autre série (Weëna, Delcourt) dynamisme et fragilité, sûreté du geste, du trait et légèreté. Elle a travaillé tous les détails, inventant des engins adaptés à cet univers où tout est mobile.
Les couleurs d’Elsa Brants renforcent cet éclat. Elle met en œuvre des chromatiques de verts, rendant ainsi la perception du mouvement de la nature comme on le fait avec celui de l’eau.
Le Tsunami ouvre des perspectives intéressantes sur une série qui semble très prometteuse.
Serge Perraud nooSFere 18/02/2008
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