On n'a que trop rarement l'occasion de chroniquer des albums réalisés par des femmes. Non pas qu'il s'agisse d'entamer ici une quelconque polémique sexiste, ou de jouer les démago façon « ha-que-lesfemmes-sont-merveilleuses  ». Mais on peut au moins se poser la question : les pauvres tacherons qui lisent à peu près tout ce qui sort en BD se feraient peut-être moins chier s'il y a avait plus d'albums signés par des nanas. Enfin bon, quoiqu'il en soit, des albums comme celui-ci, raffinés et poétiques, il n'y en aura jamais des centaines.

     Ce raffinement qui nous a séduit vient avant tout du dessin. Le trait est sobre. La mise en couleur en aquarelle est un régal. Pour cette nouvelle série, Isabelle Dethan a opté pour la couleur directe, procédé certes plus risqué que l'utilisation des fameux « bleus » mais qui porte ici ses fruits.

     On évitera une fois de plus de déflorer l'intrigue. Sachez simplement que l'histoire se situe dans un royaume médiéval imaginaire où les noirs pouvoirs de la sorcellerie prennent peu à peu le pas sur le merveilleux, le rêve, la beauté... Le premier tome nous mettait en présence d'une série de personnages au destin tourmenté, que l'on retrouve dans ce second opus : le roi assassin de ses sept fils, Antimée la gardienne du jardin Enchanté, le marquis Désidérat de Mortemont, puissant sorcier et incarnation du mal, Thalès le dernier prince et ultime espoir, Griselda la Saltimbanque...

     Deux mots sur Isabelle Dethan qui a écrit et dessiné cette série. On avait fait sa découverte avec Mémoire de sable une trilogie commencée en 1993 chez Delcourt. Une série réussie qui mélangeait déjà légende et histoire, sans toutefois avoir le charme du Roi cyclope. A en croire la jolie collection de prix qu'elle a récolté, de Sierre à Angoulême, son talent ne passe pas inaperçu. Isabelle Dethan partage actuellement un atelier à Angoulême avec d'autres bédéistes de talent (Mazan, Ayrolles...). Ca s'appelle l'atelier Sanzot, juste après la boucherie dans les pages blanches de l'annuaire.