« L'Infini » est une gigantesque arche stellaire où plusieurs générations d'humains se sont déjà succédées depuis le départ de la Terre. Intimement connectés au réseau, les habitants y coulent une existence paisible — et un peu morne — où chaque besoin vital est satisfait... Pourtant, un problème se pose à l'ordinateur central : une surconsommation d'air met en péril l'arche. La cause en serait un grand nombre de naissances illégales. Des enfants non déclarés naîtraient ainsi « déconnectés ». Nombre d'entre eux essaieraient ensuite de se faire implanter un connecteur pour réintégrer la vie normale. Pour remédier à ce problème, il suffit de sacrifier un million d'individus. Une solution logique mais difficile à mettre en oeuvre pour un ordinateur dont la programmation interdit le meurtre d'êtres humains...
Les deux premiers tomes, tous deux parus en 2005, formaient l'amorce d'un thriller assez conventionnel : Kelsey Fontine, un policier chargé de traquer les « transconnects » illégaux, s'enfuyait avec un mystérieux gosse, aidé au passage par une jolie inconnue. Lorsque cette dernière retrouvait Fontine, au début du deuxième tome, le flic ne la reconnaissait pas : il semblait avoir choisi d'effacer sa mémoire... Action et courses-poursuites constituaient l'essentiel du menu... jusqu'à la mort du héros, une balle en pleine tête, à la dernière page du tome 2. Avec ce troisième et dernier volume — qu'il aura donc fallu attendre deux ans et quelques mois — la série acquiert enfin sa véritable dimension, avec plusieurs aspects intéressants. Tout d'abord la galerie de personnages s'enrichit de quelques figures remarquables, au premier plan desquelles Kwitmer, génie déjanté et pervers, et l'incarnation de l'ordinateur central. Ensuite, le voyage virtuel au sein de la mémoire de Fontine offre quelques pages plus originales, où deux avatars fantomatiques se promènent parmi les flashes back qui dévoilent les dessous de l'affaire. Enfin, les « pertes de mémoire » successives du héros redonne un peu de punch au thème rebattu de l'amnésie. De même, le dessin de ce troisième tome, toujours assez simple mais avec des décors un peu plus fouillés, bénéficie d'une mise en couleurs plus agréable.
Reste que l'ensemble demeure moyen, avec notamment plusieurs failles dans le scénario : les buts du grand méchant se montrent en fin de compte assez nébuleux ; sur un tel réseau et avec une population aussi parfaitement définie, on conçoit mal qu'une connexion illégale ne soit pas aussitôt détectée par l'ordinateur central puis pistée ou désactivée — ce qui anéantirait d'emblée la « diabolique machination » ; l'idée d'un implant explosif placé sur un enfant paraît un moyen trop inutilement complexe pour être convaincant ; etc. Même l'arche stellaire — dont on ne connaîtra ni les circonstances précises de création ni l'éventuelle destination finale — constitue ici un simple décor sans autre intérêt majeur pour l'intrigue : le thème de la surpopulation engendrant un déséquilibre de l'écosystème pourrait tout aussi bien prendre place sur une véritable planète, même si l'échelle n'est pas la même.
Bref, Organic transfer clôt cette trilogie par un album plaisant et plus intéressant, sans que cela suffise toutefois à faire de L'infini une série de premier plan.
Pascal Patoz nooSFere 19/04/2008
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