Qu’est-ce qui pourrait arrêter la boulimie de travail de Jean-David Morvan ? Non content de l’écriture de scénarii de fiction aux thèmes éclectiques, qui vont de la reprise des aventures de Spirou aux réflexions plus moroses de Je suis morte, il s’est attaqué à l’adaptation d’œuvres littéraires. Il scénarise dans la collection Ex-libris de Delcourt qu’il dirige. D’une curiosité insatiable, il n’hésite pas à explorer les bases de la création artistique et retourne aux sources, à la recherche des textes fondateurs. C’est ainsi que, parti explorer l’Asie, il est revenu avec deux oeuvres fondamentales de la culture chinoise : Xiyouji et Au bord de l’eau.
Xijouyi, qui compte cent chapitres, a été couché sur le papier au XVIe siècle par Wu Cheng’en. Mais sa version orale est très antérieure. Elle s’appuie sur l’histoire véridique de Xuanzang, un moine bouddhiste qui s’est rendu en Inde dans la première moitié du VIIe siècle. De son périple qui dura dix-sept ans, il ramena la description des cultures qu’il avait rencontrées. Celles-ci furent jugées exotiques et donnèrent naissance à des récits populaires où la réalité et la fiction se mêlèrent pour donner naissance à une légende et une œuvre de fiction.
Le héros est la fruit de la fécondation d’une roche, un œuf de pierre sculpté par un sage-orage qui lui donna cinq sens et quatre membres. Débarrassé de sa gangue de pierres, il se fait accepter par une troupe de singes en les nourrissant de poissons. Il devient leur roi en retrouvant la source des eaux qui forment le lac où ils sont établis. Mais il est triste. Il pressent que tout ce qu’il a fait aura une fin. Ainsi, il découvre sa quête quand un macaque, plus érudit, lui révèle l’existence d’êtres immortels. Il se met en route vers l’ouest, à la recherche de celui qui pourra lui enseigner la voie de la vie sans fin. D’aventures en rencontres, il parviendra à ses fins, mais ne connaîtra pas le bonheur pour autant car…
Jean-David Morvan a eu une riche idée en confiant la réalisation à un dessinateur chinois, un créateur nourri de cette culture pour restituer la richesse et l’esprit de cette fresque. Il en résulte une représentation splendide de cet univers, tant pour les décors que pour les personnages. Le Dieu Singe illustre la quête ultime, celle de l’immortalité. Cependant, c’est aussi la Chine éternelle qui, à travers les multiples aventures de Sun Wukong, est révélée dans sa pittoresque variété. C’est également un récit satirique, une critique à peine déguisée des systèmes religieux et politiques des différentes époques où s’est construite la fresque. Sun ne remet-il pas en cause leurs pouvoirs lorsqu’il défie les dieux et l’empereur ?
Un premier tome séduisant pour la découverte et la révélation d’un univers littéraire riche mais bien ignoré.
Serge Perraud nooSFere 20/04/2008
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