La trilogie, À la recherche de la Licorne, est déjà parue entre septembre 1997 et juin 1999, dans la collection Vécu des Éditions Glénat. Les obligations éditoriales liées à la publication en album de 46 planches avaient contraint les auteurs à faire un travail qui ne les satisfaisait pas totalement. Les Éditions Dargaud ont décidé de redonner vie à cette œuvre et de la restituer au public dans la version que les auteurs avaient imaginée. L’intégrale comporte de nouvelles vignettes, bénéfice d’une traduction nouvelle, mais surtout d’une mise en pages, entièrement revue par les auteurs, qui porte l’édition définitive à 148 planches. À la recherche de la Licorne est l’adaptation BD du roman éponyme de Juan Eslava Galán, qui a obtenu un large succès populaire et fut couronné par le prix Planeta. Ce roman, qui est une chronique médiévale à la première personne, a nécessité une réécriture plus « cinématographique » et le découpage en dialogues incisifs.
En 1471, en Espagne, Juan de Olid, un jeune noble, est chargé, sur recommandation de son mentor, d’une mission très confidentielle pour la plus grande gloire du royaume. Il doit aller au-delà des territoires maures, dans les savanes d’Afrique, traquer la licorne, ramener une corne dont les vertus miraculeuses sont bien connues, pour donner au roi une vigueur de géniteur. Mais la Licorne est un animal très féroce qui ne craint rien. Seule l’odeur d’une vierge est capable de l’apaiser. Des textes relatent que l’animal, respirant ce parfum, vient poser sa tête contre le sein de la pucelle et laisse alors facilement arracher sa corne.
C’est muni de ces éléments « scientifiques » que Juan part pour le sud avec un moine médecin, un traducteur, un sergent, une quarantaine d’arbalétriers, la jouvencelle et sa suivante. C’est animé des sentiments les plus nobles et plein d’espoir qu’il entame ce voyage aventureux et fantastique. Il va ainsi traverser des villes d’Espagne, d’Afrique, des déserts, des marécages, rencontrer d’autres types de sociétés, d’autres modes d’existence. C’est aussi la découverte de l’amour, du plaisir, tempéré cependant par le sens du devoir, de la parole donnée au roi. C’est une magnifique aventure qui va durer vingt ans, vingt ans avant que Juan puisse revenir, sa mission accomplie. Il a beaucoup changé physiquement, mais moralement, il reste fidèle à ses valeurs. Il revient pour découvrir que son monde a évolué.
Cette histoire fabuleuse, cette fiction historique est une réflexion sur le sens de la vie, sur le sens de certaines valeurs fondamentales. Si le destin de Juan de Olid laisse un goût d’amertume, il engendre une réflexion philosophique sur la nature humaine et sur la récompense de l’honnêteté et du respect de ses convictions.
Si la quête est fantastique, le récit s’intègre dans un contexte historique rigoureux, car l’auteur du livre est également spécialiste des fortifications médiévales. Pour les décors et paysages, Ana Mirallès a travaillé sur la documentation réunie par Galán, allant sur place lorsque des éléments manquaient, se faisant même rapporter des photos de lieux précis par des amis en voyage au Zimbabwe. Avec la mise en images de cette adaptation, Ana Mirallès accède à un dessin réaliste qui fait merveille et qui la hisse au pinacle des dessinateurs d’exception. Mais c’est le résultat d’un formidable travail, la créatrice n’hésitant pas à refaire des pages entières du début pour garder une cohérence graphique à l’ensemble.
Certes, cette épopée reste fictionnelle, mais de tels voyages, motivés par des objectifs aussi étranges ont sans doute existé, même si leur réalité est difficile à établir, de tels projets étaient entourés du plus grand secret.
À la recherche de la Licorne est une épopée fantastique qui emporte l’adhésion par la stupéfiante aventure humaine qu’elle relate, magnifiée par une mise en scène brillante.
Serge Perraud nooSFere 31/07/2008
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