La première collaboration de ces deux auteurs a donné Nash, une série attirante. Ils se retrouvent pour un nouveau challenge, une trilogie dont le thème principal tourne autour de l’existence du mal, du mal absolu.
Dans la cellule d’un asile, un homme fait ses confidences à une araignée jusqu’au moment où un gardien surgit et …écrase l’animal. L’homme reporte son intérêt sur un petit morceau de film trouvé par hasard, une photo, dont il ignore tout. Le gardien est découvert auto-guillotiné devant la porte de la cellule ouverte. L’homme est parti en ville. Ses pérégrinations l’amènent devant une librairie spécialisée dans le cinéma. Il entre et demande des précisions sur le petit morceau de pellicule. Le libraire, ébahi lui révèle que ce photogramme ne devrait pas exister. Il a été vu une seule fois, en introduction d’un film de Fritz Lang, introduction que le réalisateur a coupée et sans doute détruite. Pendant ce temps, la police, représentée par Lotte S. Habou, une personne au caractère très affirmé, recueille les premiers renseignements, sur la mort étrange et sur l’homme qui était dans la cellule. Le médecin chef déclare qu’il s’agit d’un amnésique que l’établissement a baptisé Thomas M. Ce dernier est renvoyé par le libraire vers un collectionneur fortuné qui lui achètera peut-être le morceau de pellicule. Agressé par un voyou, alors qu’il cherche un abri, Thomas l’hypnotise et l’envoie sur la chaussée pour être renversé par une voiture. Il se rend dans un hôtel, loue une chambre et ressort rapidement pour gagner un cimetière. Des réflexes, des bribes de mémoires commencent à lui revenir. Deux individus, qui le suivent en voiture, se félicitent : « La transformation débute et il commence à exercer ses nouveaux talents. » Lotte, de son côté, avec les méthodes traditionnelles d’investigation ne reste pas inactive. Mais qui est ce singulier M. Roth que le ministre en personne lui impose dans son enquête ?
Le Docteur M, connu aussi comme le Docteur Mabuse, est la personnification du Mal dans le courant littéraire expressionniste allemand. Jean-Pierre Pécau ressuscite ce personnage, enfin celui que Fritz Lang, ce cinéaste de génie de l’entre-deux guerres, a mis en scène pour le grand écran. Le scénariste construit une galerie de personnages remarquables, donnant à chacun d’eux une typologie, un profil très élaboré. Mais deux d’entre eux « crèvent l’écran » : Thomas en psychopathe inconscient et Lotte à l’humour ravageur qui lutte pour sa survie. C’est à un hommage appuyé à Fritz Lang que se livre le scénariste, à la fois dans les dialogues et dans la mise en scène d’éléments d’intrigue. Par exemple, Les Araignées, titre de ce tome est également le titre d’un des premiers films du cinéaste tournés en 1919 : Die Spinnen. Mais Pécau fait également référence à nombre d’assassins célèbres et calque une scène sur les « exploits » chirurgicaux du célèbre Jack.
Le hasard est grand ! Alors que Jean-Pierre Pécau imagine dans une fiction qui sort le 18 juin, l’AFP annonce le 3 juillet que la quasi-totalité des scènes manquantes de Métropolis, le film culte de Lang, ont été retrouvées en Argentine. La quasi concomitance est amusante.
Damour signe un dessin remarquable, d’une grande finesse, avec un réalisme et une finition presque sans défauts. Il travaille ses ombres à grands renforts de hachures qui donnent un petit côté passéiste qui sied à merveille à l’histoire. La mise en couleurs de Vincent Froissard est à l’avenant. Les Araignées augure d’une série fameuse.
Serge Perraud nooSFere 08/07/2008
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