Trois hommes, au bout du rouleau, acceptent contre une forte rémunération de veiller sur Judith, la fille d’un dirigeant d’un grand laboratoire de pharmacie. Celle-ci, déjà protégée par des agents spécialisés, est accompagnée de Julia, sa jumelle. Marc, l’un des trois hommes, reçoit les confidences d’un ancien médecin « recyclé ». Ce dernier a assisté à la naissance des deux filles, fruits d’une expérience dont il ignore les objectifs. Elles ont été gardées en vie dans le corps de leur mère… morte. Les deux sœurs entretiennent des liens particuliers et sont capables, par exemple, de manipuler les gens mentalement. Au fil des trois précédents albums, elles ont voulu fuir leur prison dorée, tuer leur père. Julia a trouvé la mort, Judith a enfanté une fille qu’elle a prénommée comme sa sœur. Marc, subjugué par cette femme, se voit offrir, pour la retrouver, le soutien de la mystérieuse Melle Constance. Il la repère alors qu’elle est prisonnière d’une secte d’illuminés. Constance fait donner l’assaut. C’est un massacre. Marc est grièvement blessé. Judith se sauve avec sa fille et Marie, une jeune personne que Julia apprécie particulièrement car elle est entièrement sous sa domination.
Le Volume IV débute par l’arrivée de Marc dans un étrange établissement hospitalier, par la révolte de Julia vis-à-vis de sa mère et la fête donnée pour l’anniversaire des dix ans de Cornélius Carpentier, un petit vieillard. À cette occasion, son père a réuni une équipe de chercheurs de haut niveau pour tenter d’enrayer la maladie de son fils. La clé de voûte du traitement est Judith qu’il faut absolument retrouver. Constance, qui est une tueuse, mise sur Marc pour la retrouver. Celui-ci, devenu hémiplégique après l’évasion de la secte, s’y refuse. Julia se révèle d’une maturité précoce. Elle a saisi les enjeux et semble tout connaître du rôle de sa mère. Aussi, elle décide de se rendre elle-même au laboratoire. Pourtant, seule sa mère possède les capacités nécessaires, car les jumelles ont été, dès le début, « fabriquées » pour…
Paul Oliveira réunit dans son intrigue des grands thèmes qui portent sur les manipulations génétiques, le pouvoir de l’esprit, les recherches pour freiner le vieillissement, voire l’approche de l’immortalité. Il nous interroge sur la valeur de la vie d’un individu, son poids par rapport à une autre. Qui peut décider, et au nom de quel droit et principe, de sacrifier de nombreuses vies pour tenter d’en sauver une ? Quelle vie vaut ce prix là ? Il nous offre une histoire complexe, aux nombreuses ramifications, avec cependant des extensions qui peuvent paraître plaquées. Il est conseillé, pour apprécier à sa juste valeur le contenu de ce tome, de reprendre les trois précédents. À moins, bien sûr, que vous ayez une très bonne mémoire ! La fin ouverte peut laisser présager d’une suite, avec deux jumelles pleines de ressources et aux pouvoirs très efficaces.
Le dessin d’Éric Godeau est dynamique. Ses traits énergiques mettent en valeur les personnages bien campés dans des cases aux décors dépouillés. Ceci peut s’accepter dans la mesure où la majorité des lieux de l’action sont, par nature, anonymes comme des bureaux, des salles de conférences, des laboratoires… car la dernière vignette prouve les capacités du dessinateur à croquer un paysage urbain. On peut toutefois lui reprocher des personnages masculins pas suffisamment identifiables, ce qui complique le suivi d’une intrigue riche en acteurs et en rebondissements.
Judith se révèle une série séduisante, aux ressorts narratifs s’appuyant sur des problèmes de sociétés qui deviennent cruciaux.
Serge Perraud nooSFere 29/06/2008
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