Un potentat livre des prisonniers à son drag, un animal monstrueux. Mais alors que la bête entre dans l’arène, la cité fortifiée est attaquée. Un homme, lancé avec une catapulte, tranche quelques têtes de défenseurs avant d’ouvrir les portes aux envahisseurs. Pendant ce temps, le drag commence son festin d’êtres humains. L’homme retourne une arbalète géante et transperce le monstre. Il tue, de la même façon, le colosse que le potentat utilise comme garde du corps. Grâce à ce coup de force, l’homme a pu sauver sa compagne et le fils du chef des attaquants. L’homme s’appelle Marcé. Il est un agent de La confrérie des Mondes Habités. Rejoignant une caverne dans une zone montagneuse perdue, il retrouve son vaisseau et, par un saut supraluminique, il regagne sa base, à l’autre bout de la galaxie, où son chef l’attend pour assurer une nouvelle mission. Il doit négocier sur Almagiel la phase relative à l’abolition de l’esclavage. Donc, convaincre les autochtones d’abandonner les pratiques séculaires sur lesquelles ils ont fondé leur fortune. Almagiel est une planète difficile. Cependant, ce qui motive la Confrérie, dans cet accord, c’est l’accès à la montbassie, une plante aquatique aux vertus remarquables. Sa récolte se fait dans des conditions si épouvantables que seuls y travaillent les esclaves et les bagnards. Jatred, un gagé aux ordres du Mastre des Hornes, possède une forte personnalité. Orval, le fils du Mastre est hostile à l’entrée de sa planète dans la Confrérie. Aussi quand Marcé arrive, il tombe dans un piège préparé par Orval et est envoyé dans le pire endroit d’Almagiel, qui pourtant n’en manque pas, le bagne d’Argolide. Pendant le voyage vers l’enfer, il fait la connaissance de Jatred…
Le scénario puise dans deux romans de Julia Verlanger/Gilles Thomas : Les Voies d’Almagiel (Anticipation Fleuve Noir – 1978) et Horlemonde (Même collection – 1980). Patrick Galliano en reprend le nom de la planète, du héros, le titre de sa fonction, ainsi que quelques thèmes et rebondissements. Il y ajoute ses propres développements et péripéties. Avec ces éléments, il élabore l’intrigue d’un space opera classique. On retrouve les mondes médiévaux, les sociétés à caractère féodal, la lutte pour la vie et la liberté, le bestiaire fantastique et monstrueux que Julia Verlanger savait créer. Il s’en sort et réussit à maintenir une cohérence et une tension qui font suivre ce récit avec plaisir. Mais par rapport à Julia Verlanger, on perd sa verve narrative, son humour caustique et sa capacité à mener un récit sans temps morts ni faiblesses.
Cédric Peyravernay, sorti major de promotion de l’École d’art Émile Cohl à Lyon, est passé par le jeu vidéo avant de se voir confier la mise en image de la série. Le classement de sortie n’est pas surfait. Il mérite bien cette place car les planches qu’il réalise sont belles, attrayantes. De plus, il semble aussi à l’aise pour les décors futuristes que passéistes, les vaisseaux spatiaux que les cités médiévales. Il campe des personnages avec assurance, garde une constance dans leurs physionomies et donne une dynamique réelle aux scènes d’action. Ses monstres, qui rappellent quelque peu Alien, ont une férocité fort bien rendue. On ne peut, cependant, pas tout avoir, car sa mise en page reste classique avec une majorité de planches de sept cases.
Ce premier tome donne un ensemble attrayant, de bon niveau qui se lit avec plaisir, même si la surprise n’est pas à l’ordre du jour en matière scénaristique. On a connu le scénariste plus inspiré avec des séries comme Touna Mara, Néféritès ou Roxalane.
Mais pourquoi se référer à l’œuvre de Julia Verlanger pour n’en reprendre que quelques bribes ? Pourquoi donner une version fade d’histoires de caractère ? Pourquoi les responsables de la Fondation Julia Verlanger et de la Fondation de France laissent-ils dénaturer ainsi une œuvre remarquable. Le lecteur qui entre dans l’univers de Julia Verlanger, par cette BD, n’aura aucune envie d’aller lire ses romans. Ce qui est fort regrettable …pour lui !
Serge Perraud nooSFere 17/09/2008
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