Que se passe-t-il lorsqu'un gringalet britannique trop palot pour être en bonne santé échoue dans la plus dure des prisons américaines, entouré d'affranchis siciliens, de blacks gangstas, de chicanos tatoués et de néo-nazis ? En temps normal, il passerait un mauvais quart d'heure ; mais s'il s'agit de John Constantine, l'histoire est toute autre.
Créé par Alan Moore dans les pages de La Créature du Marais, John Constantine est un magicien. Pas un magicien en queue-de-pie à la Mandrake ou un sorcier façon Docteur Strange, mais un prolo anglais vêtu d'un trench-coat, la clope au bec, qui observe le monde d'un regard cynique et doté d'un humour à froid très british. Sous cet aspect peu impressionnant, Constantine est pourtant un homme redoutable, familier de l'Enfer et de ses démons depuis son plus jeune âge ; il peut d'ailleurs se vanter d'être l'humain dont le Diable souhaite le plus ardemment posséder l'âme, ce qui ne devrait tarder vu sa consommation excessive de tabac (cette mauvaise habitude a d'ailleurs donné lieu à une célèbre saga intitulée Dangereuses Manies). Car Constantine est capable de piéger le Diable et ses démons à leur propre jeu, en usant des traquenards et des sortilèges les plus vicieux.
Dans Hard Time, Constantine se retrouve en prison suite à la mort malencontreuse d'un ami. Une prison ultra-violente, largement inspirée du pénitencier d'Oswald de la série carcérale Oz. Dans un premier temps, tous les regards se portent sur lui : de la chair fraîche ! Comme à son habitude, Constantine laisse l'ennemi venir en affichant une apparente nonchalance, pour mieux laisser son piège se refermer sur l'adversaire. Tout l'intérêt de Hard Time réside là : placer un petit blanc-bec dans une jungle, un enfer sur Terre dont il ne semble avoir aucune chance de réchapper, pour ensuite inverser la situation. Le véritable Enfer, Constantine le connaît mieux que personne, et il lui suffira de lever un instant le voile de la réalité pour atomiser la raison des prisonniers les plus coriaces.
Sous très forte influence de la série Oz, comme nous l'avons vu (mêmes clans, mêmes personnages), Hard Time ressemble plus à un épisode spécial du feuilleton avec Constantine en guest-star qu'à la suite logique de ses aventures. L'album se lit donc comme une histoire indépendante, et il n'est pas nécessaire de connaître le passé de Constantine pour comprendre son intrigue. Le dessin au trait typiquement « seventies » de Richard Corben lui donne un cachet particulier, provoquant un curieux décalage entre la cruauté du scénario et l'aspect caricatural du graphisme. Devenu assez dur à trouver, cet album peut toutefois constituer une excellente introduction à l'univers de Hellblazer, comic-book encore assez méconnu du public français. Sinon, Panini Comics ayant eu la bonne idée d'initier une ligne consacrée à la série, tentez l'expérience avec Péchés Originels.
Florent M. 15/11/2008
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