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Album
Judge Dredd - Tome 1
Série : Judge Dredd    tome 1  Album suivant

Scénario : John WAGNER
Dessins : Brian BOLLAND

Arédit/Artima , septembre 1984
 

Format 250 x 175
32  pages  Couleurs
ISBN 2-7346-0330-6
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Critiques
     Le Juge Joseph Dredd est un personnage créé dans les pages de la revue anglaise 2000 A.D. Né en 1975, en plein apogée du mouvement punk, ce magazine relativement underground — sorte d'équivalent britannique à Métal Hurlant, consacré aux bandes dessinées de science-fiction — a fait connaître bon nombre d'auteurs britanniques ainsi remarqués par des éditeurs américains (Alan Moore, Grant Morrison, Garth Ennis...). Publié en 1977, Judge Dredd se présente comme une satire des sociétés dictatoriales : les « juges », après avoir renversé le président des États-Unis, assument le rôle de policiers, juges et bourreaux sans autre forme de procès (c'est le cas de le dire). Fatalement, dans ces conditions, la « justice » est plus rapide, dans la mesure où les Juges se sont octroyés tous pouvoirs pour lutter contre le crime et le Juge Dredd, personnage psychorigide et frustré dont on ne verra jamais le visage, s'avère le plus redoutable d'entre eux.
 
     En France, Judge Dredd n'est jamais sorti du cadre confidentiel d'un public restreint, peut-être la faute à un humour « à froid » typiquement anglais et au caractère résolument anti-héroïque de son personnage principal. Ses premières aventures ont toutefois été publiées par Arédit, sous forme de revues, à compter de 1984. Étrangement, et de façon absurde, le premier numéro français commence avec le troisième numéro anglais, si l'on en croit les crédits, ce qui nous prive des fondements d'une intrigue que nous devons « prendre en marche ». Concernant le reste de ses aventures, des éditeurs audacieux traditionnellement intéressés par les auteurs indépendants (Les Humanoïdes Associés et Comics USA) ont publié quelques albums dans les années quatre-vingt/quatre-vingt dix, mais sans réussir à imposer le personnage. Ils méritent toutefois le coup d'œil, et vous pourrez peut-être les trouver d'occasion si vous avez de la chance (Judge Dredd, Dredd contre Crève, Megacity Blues, Batman/Judge Dredd : Jugement à Gotham & La Grande Énigme, et les quatre albums Légendes des Méga-Cités). En 1995, Judge Dredd a fait l'objet d'un film avec Sylvester Stallone, sur lequel je ne m'étendrai pas afin de rester poli.
 
     Le moins que l'on puisse dire, c'est que la couverture du premier épisode annonce la couleur, avec un Judge Dredd brandissant un canon fumant dans une main et un punk aux dents taillées en pointes fermement tenu dans une autre. L'accroche, en lettres énormes, nous annonce « IL EST LA... LOI, et vous feriez mieux de le croire » : on constate immédiatement l'ironie cinglante dont se pare ce comic-book d'un genre particulier. Nous visitons ensuite Mega-City One, une mégalopole américaine si vaste et surpeuplée que l'application d'une justice « classique » ne peut plus répondre aux conséquences d'une criminalité croissante. Comme nous l'avons vu, l'intrigue est déjà entamée lorsque débute ce premier numéro : nous découvrons ainsi une Juge de la Division Psi (composée de télépathes) enfermée dans un cercueil en verre, après avoir scellé dans son esprit le spectre d'un Juge maléfique. Bien entendu, il va être libéré, et avec lui ses trois compères aux allures de Cavaliers de l'Apocalypse.
 
     L'intrigue ne casse pas des briques, mais l'intérêt de Judge Dredd est ailleurs : drôle d'idée, en effet, que de proposer à de jeunes lecteurs un héros à l'idéologie et aux méthodes proches du fascisme. Et pourtant, la démarche est diablement vicieuse car on ne peut qu'applaudir Dredd quand il s'oppose avec courage à des monstres sanguinaires, mais que penser quand il fait placer en détention un collègue coupable d'une faute d'inattention ou sacrifie cinquante personnes pour en sauver soixante-dix mille ? Et comment ne pas sourire quand on le voit hésiter à poser la main sur la charmante Juge Anderson, collée contre lui afin de traverser un champ de force (la version française va même jusqu'à ajouter une bulle plus explicite non présente dans la vo, où Dredd lui demande si ce contact est vraiment nécessaire) ? Dredd fait peur, il fait rire malgré lui, mais il nous fait aussi réfléchir : autrement dit, c'est un personnage caricatural parfait pour une satire.
 
     Le comic-book, sous une façade au premier degré trompeur, est ainsi truffé de détails grotesques et ironiques, mais ses sous-entendus ne sont pas seulement politiques : Dredd, engoncé dans un caractère digne de l'Inspecteur Harry, semble utiliser la justice comme exutoire à ses propres frustrations, et la présence du Juge Anderson à ses côtés entraîne une tension sexuelle sous-jacente de tous les instants (les Juges sont vêtus de combinaisons moulantes et Anderson ne manque pas de formes). Meilleur exemple : lors de la traversée du champ de force précédemment évoquée, en compagnie du Juge Anderson, on voit la jeune femme, le visage crispé, lui adresser le commentaire suivant : « Hold tight — We're going through ! Got to... force... it... open ! » ; après quoi Dredd lui répond : « We're through ! Good work, Anderson ! » (Je vous épargnerai la traduction...). On ne sera donc pas étonné de voir Anderson, dans la dernière case de l'épisode, exténuée, réclamer un arrêt-maladie...
 
     Le comic-book mérite donc plusieurs lectures car, à la première approche, rien ne le différencie d'une banale histoire de science-fiction. Pourtant, plus de trente ans après sa création, Judge Dredd existe encore (le magazine 2000 A.D. également), et sa critique de la restriction des libertés individuelles au profit d'une justice contrainte à une plus grande autorité face à la montée de la criminalité est plus que jamais d'actualité.

Florent M.          
10/11/2008          


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