Au début des années 60, les dirigeants du Kremlin ont si fort à faire avec des manifestations démoniaques que Khrouchtchev doit faire appel à un exorciste. Un comble ! Mais la course à l’espace prime. La suprématie soviétique doit continuer dans ce domaine, après le vol triomphal de Youri Gagarine. Mais cette réussite ne risque-t-elle pas d’être remise en cause quand on découvre que, sous le cosmodrome de Baïkonour où officie le terrible professeur Von Ausch, se situe la porte des enfers. Pendant qu’au Kremlin, au printemps 1961, de bas en haut de l’échelle hiérarchique, on essaie de connaître la teneur de la nouvelle qui a tant bouleversé le Premier Secrétaire, la sulfureuse colonelle Ava se trouve sur le site, devant la porte. Elle s’apprête, avec l’élite de l’Armée Rouge, sur ordre du Camarade Suprême, à envahir les enfers et à en revenir avec la tête de Belzébuth …sur un plateau. Si l’ouverture et l’entrée sur les terres du démon se révèlent faciles, les pièges se multiplient sur le parcours de la colonne. Il faut toute la perspicacité et le savoir-faire en sorcellerie d’Ava pour les déjouer. Mais jusqu’où pourra-t-elle aller ? Peut-on imaginer Belzébuth vaincu par des humains ?
L’idée de base de la série développée par Valérie Mangin consiste à confronter deux univers diamétralement opposés et à faire interagir les forces et spécificités de chacun. Elle retient une organisation étatique rigide dans un cadre prônant l’athéisme et un univers issu de mondes religieux, dont la réalité ne peut s’apprécier en terme de raison. Elle crée, ainsi, des conjonctures décalées dont le côté dramatique est contrebalancé par des situations humoristiques. Elle oppose à la rigueur glaciale du KGB, une fantaisie haute en couleurs d’un royaume démoniaque. Valérie Mangin nous offre sa vision personnelle des enfers, enfin de celui de Belzébuth, qu’elle agrémente de quelques emprunts à Lovecraft, à Jérôme Bosch… Elle émaille son intrigue de situations très humoristiques, confrontant, par exemple, des démons qui ne se sont pas recyclés, à l’avancée technologique des humains en matière d’armement. La chronologie historique est respectée, et l’auteur s’en sert, avec brio, pour les péripéties de son intrigue.
Le dessin de Malo Kerfriden convient bien au ton du récit. Les traits légers, l’apurement des lignes confèrent un côté réaliste et onirique. On peut, cependant, regretter l’aspect sommaire de certaines vignettes et la ressemblance approximative du Camarade Khrouchtchev, alors que les autres protagonistes historiques sont fort bien croqués.
KGB est une série très plaisante à suivre, par la mise en opposition de deux univers antinomiques, le ton décalé du récit, par la tonicité des actions et du rythme de l’histoire.
Serge Perraud nooSFere 15/12/2008
|