Il est rare que les comics se mêlent de politique, si l'on excepte les périodes où les États-Unis se trouvent impliqués dans des conflits internationaux. A l'époque de la Seconde Guerre Mondiale, on voyait ainsi Captain America combattre les nazis ou, bien plus tard, le groupe de super-héros Youngblood défaire Saddam Hussein, lors de la première guerre d'Irak (dans une scène hautement ridicule due à l'inénarrable Rob Liefeld). Cependant, les super-héros se contentaient alors de faire ce qu'ils savaient faire : intervenir sur le terrain, frapper, faire la guerre. Il aura fallu attendre longtemps avant que cette vision du règlement des conflits typiquement américaine ne devienne plus subtile, au moment où les comics gagnaient en maturité et s'inspiraient des faits d'actualité pour étoffer leur intrigue, notamment suite au onze septembre. Curieusement (enfin, tout dépend du point de vue), les personnages de comics les plus liés à la politique sont souvent des super-vilains : on notera le cas de Lex Luthor, ennemi juré de Superman devenu... président des USA ( !), mais aussi le Dr Fatalis, autorisé à siéger à l'ONU (ce qui provoquera la colère publique de Tony Stark dans New Avengers). On signalera également des épisodes récents des Fantastiques où l'on découvrit... des armes de destruction massive dans le château du Dr Fatalis ; un événement qui, bien sûr, n'avait rien d'innocent en pleins préparatifs de la seconde guerre d'Irak, et désavoué par plusieurs auteurs de comics pour son caractère hautement ridicule. Plus proches de nous, des comics dédiés à la vie de Barack Obama et John Mac Cain sont parus outre-Atlantique (et même chez nous...).
Tout cela pour dire que Ex Machina (« sorti de la machine ») appartient à cette catégorie de comics liés à la politique, si ce n'est qu'elle se limite ici à la politique locale (New York) et non internationale. Après avoir obtenu un pouvoir lui permettant de contrôler toutes sortes de machines, et donc d'être en « osmose » avec sa ville, New York, un ingénieur décide de devenir un super-héros afin de faire baisser la criminalité. Postulat classique, si ce n'est qu'il se rend compte qu'il sera bien plus utile en devenant maire plutôt qu'en se promenant dans les rues affublé d'un costume. Mitchell Hundred, c'est son nom, se retrouve ainsi face à tous les problèmes que peut connaître une mégalopole, et pas seulement en rapport à la sécurité mais aussi, par exemple, sur la question du mariage homosexuel (ce qui, vous l'admettrez, ne rentre pas d'habitude dans le cadre des choses à régler par un super-héros).
Dans ce cinquième tome, Le Feu aux Poudres, Mitchell doit faire face à un double problème : un voleur pénètre chez ses victimes en se faisant passer pour un pompier, et une déclaration maladroite l'amène à être harcelé par les journalistes sur le thème de la légalisation des drogues douces. En parallèle de la gestion de sa municipalité, le comic-book nous relate des brides de son passé de super-héros, mais Ex Machina n'est pourtant pas une œuvre dédiée à l'action non-stop. Ici, la plupart des problèmes se résolvent dans un bureau, et on pense plus volontiers à des séries TV consacrées à la gestion d'une ville (Spin City, Shark...) qu'à une histoire de super-héros. La formule a le mérite d'être originale, mais elle surprendra le lectorat habitué aux bastons mémorables et autres démonstrations hautes en couleurs chères aux comics.
Florent M. 29/11/2008
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