Faisant suite au très décevant Histoire Ancienne (composé d'épisodes hors-série qui ne s'inscrivaient pas dans la continuité de la saga), ce cinquième tome de Preacher s'ouvre sur les épisodes spéciaux « Blood & Whisky » déjà parus en 1999 dans l' album spécial consacré à Cassidy (éd. Le Téméraire : voir critique précédente pour comprendre les méandres éditoriales de la série en France). Cette fois publiés par Panini dans l'ordre original, ces épisodes dédiés à Cassidy sont l'occasion d'en apprendre un peu plus sur le vampire irlandais (et, accessoirement, de tourner en dérision les clichés de la culture gothique et les vampires d' Anne Rice). Mais rassurez-vous : la suite, qui regroupe les épisodes vingt-sept à trente-trois (sur soixante-six) de Preacher, est cent pour cent inédite. En outre, elle présente l'intérêt de démarrer sur de nouvelles bases consécutives à l'atomisation (au sens propre : Ennis ne fait pas dans la dentelle) de la plupart des ennemis de Jesse Custer, qui a pour conséquence un nouveau départ accessible à tous.
Après s'être débarrassé de l'organisation secrète du Graal et avoir libéré son ami Cassidy (cf. Fiers Américains), le pasteur texan poursuit donc sa route en compagnie de sa petite amie Tulip et de son pote Cassidy, qu'il vient de sauver au péril de sa vie (mais en laissant de côté Tulip, ce qui l'a mise en rogne). Tout ce beau monde se retrouve enfin, plus uni que jamais grâce aux épreuves traversées. La première partie de l'album délaisse ainsi les intrigues religieuses et l'action coutumières de Preacher pour se concentrer sur les relations (parfois houleuses) entretenues par les personnages. Le résultat pourrait être décevant, mais Garth Ennis est doué d'un tel talent dans la peinture de ses acteurs et l'écriture de dialogues crus et réalistes que l'on ne s'ennuie pas un seul instant. Mieux : cet aparté nous permet de « souffler » un peu, à un moment où la série risquait de tomber dans le piège de la plupart des comics à rallonge, en embrouillant le lecteur dans un imbroglio de moins en moins compréhensible. Ennis nous rappelle que Preacher est une aventure à dimension humaine, centrée sur ses personnages, et cette mise au point arrive au bon moment.
Ce retour aux élémentaires de cette série bourrée d'humour noir ne s'arrête toutefois pas à la forme, car Ennis a la bonne idée de faire revenir en scène des personnages liés au passé de Cassidy (une bande de jeunes gothiques de la Nouvelle-Orléans) et de Jesse Custer (« Tronche-de-Fion » le bien nommé, que l'on avait un peu oublié depuis le premier album mais qui poursuit sa quête de vengeance). Les Enfants du Sang ne reprendra les rails de l'intrigue liée à Génésis — progéniture d'un ange et d'un démon décidée à défier Dieu en possédant le corps de Jesse Custer — que dans une dernière partie située en Nouvelle-Orléans, où un rituel vaudou permettra au prêcheur de trouver une nouvelle voie pour suivre sa quête (et à l'intrigue de reprendre son cours).
Alors certes, cet album ne présente pas d'enjeu majeur mais, contrairement au précédent, Ennis réussit à retrouver ce ton à mi-chemin entre le premier et le second degré qui nous fait croire à ce conte déjanté, sans le prendre véritablement au sérieux. En clair : on suit les histoires de cœur, de cul et les engueulades de notre trio avec délice, on retrouve avec plaisir de vieilles connaissances, on rit et on pleure avec eux, sans vraiment se prendre la tête avec une intrigue pour un temps laissée en suspens.
Notes :
1. Téléchargement légal du premier album en vo sur le site de l'éditeur.
Florent M. 23/05/2009
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