Avec cette série, et avec en particulier cet album qui conclut la trilogie, Christophe Gibelin confirme une nouvelle fois son talent de scénariste, déjà éclatant ailleurs, comme dans Les lumières de l'Amalou par exemple.
Pas facile en effet de rendre crédible et attrayante cette sombre histoire de créatures démoniaques et de sorcière cannibale... Malgré la noirceur du thème, qui pourrait facilement rebuter, Gibelin nous offre un récit limpide et cohérent, où la complexité ne sombre pas dans la confusion et où l'ésotérisme ne se noie pas dans le verbiage...
Ce superbe récit fantastique - ou si l'on veut de dark fantasy - permet à Springer de mettre superbement en images des scènes atroces comme cette étonnante scène de possession (cf. planche), et des créatures impressionnantes, avec notamment une sorcière digne d'Alien, un narrateur-démon quasi omniscient (bien que certains détails importants lui échappent parfois) et un digne peuple-grenouille...
Les couleurs sont sans doute un peu ternes, mais cette impression initiale s'estompe rapidement car les contrastes de l'histoire et du graphisme la font oublier sans peine.
La Chrysalide donne donc naissance à un superbe album qui enthousiasmera les amateurs d'horreur insidieuse et de grands anciens terrifiants, dans la veine de H.P. Lovecraft.
Pascal Patoz nooSFere 15/10/1999
Chrysalide conclut une série d'heroic fantasy commencée en 1996. Nous avions déjà eu l'occasion de parler de Terre d'ombres lorsqu'était sorti le deuxième tome intitulé Failles. Nous nous étions alors fendu d'une description de l'univers et des personnages de cette bédé. Pour ceux qui connaissent cette série ou pour les lecteurs à la mémoire infaillible, i1 suffira de savoir que ce dernier opus atteint son but : il clot le récit avec une certaine classe, répond aux questions auxquelles on était bien en peine de répondre. Pour les autres, et au risque de se répéter, un petit rappel paraît de circonstance : Terres d'Ombre c'est l'histoire de Miecq, coupeur de bourses et assassin à la petite semaine, flanqué de son fidèle compagnon Lida, une espèce d'homme crapaud néandertalien et énigmatique. Deux errants égarés dans un univers qui les dépasse et qui va peu à peu les bouffer. Car autant le dire tout de suite, Miecq el Lida vont tomber sur beaucoup plus méchant qu'eux en la personne d'Abishag, une créature malfaisante et démoniaque. En entrant par hasard dans le jeu perfide d'Abishag et du chef de guerre Zinsky, Miecq et Lida vont devenir de simples pions, malmenés et manipulés. On trouve dans les trois tomes de la série une ambiance malsaine et ténébreuse tout à fait prenante, due aussi bien à la qualité et à la personnalité du dessin qu'au scénario torturé de Christophe Gibelin. Si ce dernier avait déjà fait ses preuves en scénarisant entre autres Les Lumières de l'Amalou (dessin : Wendling) ou le Traque-Mémoire (dessin : Servain), Terres d'Ombre révèle surtout le talent de Benoît Springer, dessinateur doué d'un trait énergique dans la lignée de Claire Wendling. Le troisième tome semble néanmoins un peu plus « torché » que les deux premiers et n'égale pas, à mon avis, la qualité graphique du deuxième. Un petit reproche aussi pour la couverture, pas terrible, nettement moins dynamique et pétante que celle du deuxième tome. Nous l'avons dit plus haut, ce troisième tome clot honorablement un récit riche en rebondissements, avec d'excellent passages narratifs, des scènes fortes et des personnages attachants. On regrettera juste une certaine confusion, un manque de limpidité et de fluidité dans ce tome conclusif qui multiplie et emberlificote un peu trop les informations. On retient au final l'image d'une histoire quelque peu embrouillée, et c'est en fin de compte l'atmosphère qui prime sur les détails du récit. Il est toujours agréable de voir se terminer une série : d'une part toutes les bonnes histoires ont une fin, d'autre part on se demande à quel(s) nouveau(x) projet(s) les auteurs voudront bien s'atteler. Terres d'Ombre ne déroge pas à la règle et c'est avec impatience qu'on attend de découvrir la nouvelle bédé de Benoît Springer.
Eteyas Bifrost n°16 01/12/1999
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