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On peut appâter le poisson, attirer le gibier... Peut-on donner rendez-vous aux fantômes ? C'est ce que recherche Monsieur Séverin en bâtissant une étrange demeure.
Le plus étonnant c'est qu'il semble y parvenir. Il y parvient même tellement qu'il va falloir que Bellagamba s'en mêle.
La chasse aux ombres est commencée. | |
Bellagamba porte bien son nom : un beau brun ténébreux, à la fois riche, intelligent, cultivé et oisif, mais dont le passé demeure voilé... A première vue, difficile de savoir si son air inexpressif est une preuve de tristesse, d'impassibilité ou d'indifférence... Bref, le genre de bellâtre à ne pas présenter à sa femme !
Ce pauvre homme est affligé d'une Véronique certes jolie à voir mais hystérique et obsédée sexuelle, qui amuse au début mais qui devient vite agaçante.
Comment ont-ils échoué à Breu sur Avre, ce village « dont les parisiens disent que s'ils devaient y passer l'hiver, ils en mourraient » ? Mystère.
A priori, aucune chance qu'il puisse se passer quoi que ce soit d'intéressant dans ce trou perdu. Et pourtant, un doux illuminé s'est mis en tête de construire une maison non pas préfabriquée, mais pré-hantée ! Au risque bien sûr de s'attirer des ennuis...
Au scénario, voici les premiers pas de Claude Klotz, auteur à succès plus connu sous le nom de Patrick Cauvin. Après Bernard Werber et Didier Van Cauwelaert, les romanciers semblent décidément vouloir investir le domaine de la bande dessinée...
Ce scénario est une sorte de fantaisie légère, où Klotz introduit une galerie de personnages pittoresques sur un fond d'intrigue fantastico-policière qu'il semble ne jamais prendre au sérieux et qu'il s'amuse à déstructurer : dès que la tension monte, Klotz casse le récit et révèle le pot-au-rose. D'une pirouette, il nous entraîne alors sur une autre piste, qui risque bien de s'avérer tout aussi fausse...
L'idée est séduisante, et l'album débute fort sympathiquement, dans une atmosphère de petite ville provinciale très bien rendue. Mais tout comme Véronique, ce parti pris finit aussi par agacer... On aimerait un peu moins de légèreté, car d'une part les deux personnages principaux — l'un taillé dans le marbre, l'autre complètement fofolle — sont inconsistants, et d'autre part le récit n'échappe pas à certaines incohérences ou facilités, ainsi qu'à un regard souvent caricatural. Paradoxalement, le dénouement réaliste en devient moins crédible que ne le serait une véritable histoire fantastique.
Au contraire, Max Cabanes semble s'être plutôt bridé pour essayer d'apporter une authenticité à cette chronique provinciale. Alors qu'il a ailleurs brillamment illustré l'irruption de l'insolite et du loufoque dans un quotidien rural ordinaire — notamment dans l'excellente série Dans les villages —, il s'est attaché ici à demeurer sobre et classique. Le dessin tend à demeurer au simple service de l'histoire, privilégiant la fluidité narrative et l'action. Quoique habile et efficace, on ne peut s'empêcher de regretter le petit vent de folie qui plane habituellement sur ses albums plus personnels.
Au total, même s'il est sympathique, ce premier album n'est pas aussi convaincant qu'on aurait pu le souhaiter. Le talent des deux auteurs devraient leur permettre de faire bien mieux dans les volumes suivants…
Pascal Patoz nooSFere
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