Arleston est à la BD ce que Lucky Lucke est au far-west : un rapide du poignet. Y a qu'a voir un peu le nombre de séries qu'il scénarise (Troll de Troy, Lanfeust de Troy, Les Maîtres Cartographes, Léo Loden, Mycroft). Et tout cela chez Soleil ! Y a pas à dire, ce type et un mec précieux, une vraie mine d'or. D'autant qu'il trouve en plus le temps de diriger Lanfeust Mag, le périodique de l'éditeur sus-nommé (évidement, lorsqu'on jette un coup d'œil sur le magazine en question, on comprend que ça doit pas lui prendre énorme sur son emploi du temps...). Plutôt que rapide, les bonnes âmes affirmeront qu'Arleston est un travailleur acharné. Ce dont nous ne doutons pas : Arleston est un travailleur acharné... et rapide ! Parce qu'on ne me fera jamais croire que pondre un scénario comme celui du Réveil de Merlin – mièvre et énième variation sur la geste arthurienne, nécessite plus de quelques heures de réflexions. . Imaginez : au XIème siècle, en Irlande, la magie et les anciennes croyances se meurent (comprenez, naturellement, le rêve et la poésie), supplantées qu'elles sont par le christianisme, cet odieux culte monothéiste, pragmatique et vénal. Merlin, inopinément libéré du sortilège de Morgane qui le maintenait prisonnier depuis cinq siècles, entreprend, sur le conseil de Viviane, de réunifier l'ancien royaume d'Arthur et de chasser les ignobles prélats chrétiens et les rois usurpateurs. Il sera aidé dans sa tâche par Gwynned et sa redoutable épée... Excalibur ! Très franchement, avant Le réveil de Merlin, on savait déjà qu'Arleston était passé maître dans l'art de renouveler les poncifs (ce qui n'est sans doute pas si aisé et nécessite un réel talent). On avait aussi compris depuis longtemps qu'il avait fait sien l'adage, fameux s'il en est, stipulant combien les meilleures soupes naissent dans les vieilles marmites. Mais là, pour le coup, on ne peut que constater à quel point sa marmite n'est guère plus qu'une triste gamelle, et regretter qu'Arleston ne se soit pas un peu plus décarcassé pour relever la sauce... Quant au dessin d'Hübsch, il est de la même eau que le scénario : sans génie, insipide et naïf. Jusqu'aux décors, même, qui pas un seul instant ne parviennent à instiller ne serait-ce qu'une once de dépaysement... Ce n'est pas mauvais, non, simplement médiocre, vide de relief, de croustillant, d'idée... On pariera toutefois sans risque, et c'est là la véritable ironie de l'affaire, que cette BD trouvera aisément son lectorat. Un lecteur qu'on cernera en une poignée de mots : jeune, très jeune, fan de Tomb Raider et amateur de jeu de rôle (un type comme vous et moi il y a quelques années, en définitive). Car le cocktail habituel est bien présent : aventure, humour, sans oublier ça et là quelques seins rebondis pour pimenter. Le réveil de Merlin s'achètera vite, se lira vite et s'oubliera vite. Pour nous c'est déjà fait. Quant à vous...
Org Bifrost n°10 01/10/1998
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